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coûtait beaucoup ; en cas de non-réussite, je rendrais la liberté à l’onagre.

Ayant fait sortir l’onagre de son écurie, je lui passai une petite sangle autour du corps et m’apprêtai à le monter. Au moment où je saisissais la crinière, il se dressa avec fureur ; alors je mordis jusqu’au sang une de ses oreilles. Vous eussiez vu à l’instant même la bête s’arrêter, roide, immobile, et s’abaisser à terre ; Fritz et Jack s’élancèrent sur son dos, et, quand je les vis solidement assis, je lâchai l’oreille. L’onagre fit d’abord quelques sauts, puis se calma peu à peu, et, les cordes qui liaient ses pieds l’empêchant d’aller trop vite, il se mit à marcher tranquillement ; Fritz n’avait qu’à lui toucher l’oreille pour le faire tourner à droite ou à gauche. Après deux ou trois semaines de ces exercices de manège, nous fûmes complètement maîtres de lui. Mes fils devinrent de bons écuyers et montèrent avec fierté leur cheval aux longues oreilles. Après le dernier essai dont je viens de parler, ma femme me dit : « Où donc as-tu appris un si singulier moyen de dompter les bêtes sauvages ?

— C’est un dompteur de chevaux, lui répondis-je, qui m’a enseigné cette méthode. Il avait habité longtemps l’Amérique, faisant le commerce des pelleteries avec les naturels du pays, il montait dans ses voyages des chevaux qui, d’abord demi-sauvages, deviennent doux et soumis dès qu’un des chasseurs leur mord l’oreille. J’avais peu cru, jusqu’à ce jour, aux paroles de cet homme ; maintenant je ne doute plus de leur vérité. »

Pendant que nous faisions l’éducation de notre onagre, surnommé Leichtfuss (pied léger), une triple couvée de poules peuplait Falkenhorst de quarante nouveaux habitants emplumés qui pépiaient et couraient autour de nous, à la grande joie de ma femme. Elle les soignait avec un zèle admirable, les menant tantôt au soleil, tantôt à l’ombre, suivant les heures différentes du jour. La femme a dans le cœur un amour maternel vraiment infini et qui se répand sur