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pargner ceux où étaient les larves ; je trouvai les abeilles rassemblées en grappes épaisses ; et, les détachant avec précaution, je les mis, avec leurs larves et une provision suffisante de miel, dans la ruche préparée à l’avance. Fritz et moi nous descendîmes ensuite de l’arbre et allâmes chercher un tonnelet vide que Jack et Ernest lavèrent ; alors nous pûmes enlever le reste des rayons, dont je ne gardai que quelques gros morceaux pour notre déjeuner. Le tonnelet fut recouvert de toiles et de morceaux de planches. Dès que nous eûmes fini de manger, je retournai à l’arbre avec mes fils, et, pour empêcher les abeilles d’y revenir elles-mêmes, je brûlai dans leur ruche ravagée plusieurs poignées de tabac. Dès qu’elles furent sorties de leur engourdissement, elles volèrent vers leur ancienne demeure, mais l’odeur et la fumée du tabac les en chassèrent, et, après quelques heures d’agitation, elles devinrent plus calmes ; ce qui me fit penser que la reine acceptait la nouvelle ruche que nous lui donnions. Je profitai de l’occasion pour raconter à mes enfants une partie des choses si intéressantes que j’avais lues dans le curieux ouvrage de M. Huber, de Genève, l’homme qui a le mieux étudié et le mieux connu les abeilles. « La mère abeille, leur dis-je, est aimée et respectée de tous ses sujets, qui lui prodiguent les soins les plus empressés et les plus tendres, qui la gardent, et sans cesse travaillent pour elle ; qui construisent des cellules aux jeunes rejetons de la lignée royale, leur donnant des aliments particuliers et veillant sur eux comme des nourrices sur leurs nourrissons. » Tous ces détails plurent beaucoup à ma famille, qui regretta d’avoir porté le trouble et le désordre dans ce paisible royaume. Pour moi, je sentais que ma conscience ne me faisait point de reproche à ce sujet : la nécessité était une loi qui excusait notre action. Je résolus de travailler à notre escalier dès le lendemain. Nous surveillâmes, chacun à notre tour, le miel pendant toute la première moitié de la nuit pour le défendre contre les abeilles, qui cherchaient à reprendre leur