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le robinson suisse.

« Je vois, madame et messieurs, que dans notre royaume, car vous êtes roi, mon père, roi bien-aimé et absolu, et vous, reine chérie, ma mère ; je vois, dis-je, qu’ici comme dans les monarchies européennes, celui-là seul est tenu en honneur et considération, qui sait, par ses talents ou ses forces, s’élever au-dessus des autres. Pour moi, ami des douces rêveries, du calme et du repos, j’aimerais bien mieux rester tranquille que de grimper aux arbres ; mais, désireux de mériter les éloges de mon noble souverain et de mes concitoyens, je me décide à tenter aussi quelque glorieux exploit. »

J’étais fort curieux de voir où il voulait en venir. Il grimpa hardiment à un des palmiers voisins ; c’était un palmier sans fruits : ses frères éclatèrent de rire. Il n’avait voulu que des genouillères en peau de requin et avait refusé la corde dont ses frères s’étaient servis. Ernest, toujours calme et sérieux, nous saluait de la main et continuait son ascension. Quand il fut arrivé au sommet : « Pas de noix, messieurs ; mais un chou, et des meilleurs, » nous dit-il.

Et, en même temps, d’un coup de sa hache il coupa et fit tomber à nos pieds un énorme paquet de feuilles tendres et encore enroulées les unes dans les autres.

« Un chou au sommet d’un arbre ! s’écrièrent Fritz et Jack. Quelle plaisanterie ! Ernest veut se moquer de nous !

moi. — Non, ce n’est point une plaisanterie, Ernest a su, avec un grand discernement, distinguer ce palmier qui fournit un mets délicieux des autres dont la cime n’est point comestible, tels que les dattiers. Je profite de l’occasion pour vous faire remarquer combien vous avez tort de vous moquer du naturaliste : n’est-ce pas à lui que nous devons la découverte des pommes de terre et du manioc ? »

Cependant Ernest ne descendait point de son arbre, et Fritz, malgré la petite leçon qu’il venait de recevoir, lui demanda s’il voulait remplacer le chou.

« Patience, répondit Ernest ; je prépare ici l’assaisonne-