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le robinson suisse.

plus près. Il eut bientôt tué un geai de Virginie, un ara rouge et une perruche verte et jaune.

Pendant qu’il rechargeait son fusil, nous entendîmes au loin un bruit imitant tour à tour le roulement d’un tambour et les grincements d’une scie qu’on aiguise. Après nous être avancés avec précaution, écartant les branches et les lianes qui nous barraient le passage, nous aperçûmes, sur un tronc d’arbre renversé et à moitié pourri, un magnifique oiseau, gros comme un de nos coqs domestiques. Il avait autour du cou un collet de belles plumes et sur la tête une huppe, la queue étalée en éventail comme celle d’un coq d’Inde ; il s’agitait avec une vitesse extraordinaire et tournait en cercle. Les plumes de son cou et de sa tête se hérissaient ; de minute en minute, un cri aigu s’échappait de son gosier, tandis que de son aile il frappait le tronc de l’arbre ; c’était un bruit sourd qui, de loin, ressemblait assez au roulement du tambour. Une multitude d’oiseaux l’environnaient, les yeux attachés sur lui, et paraissant pleins d’admiration pour ses manières singulières et sa pantomime animée. Fritz, à mon grand regret, ne laissa pas achever la représentation : d’un coup de fusil, il abattit le comédien emplumé et fit fuir les spectateurs consternés.

« Pourquoi, éternel tireur, lui dis-je, veux-tu toujours détruire ? tu ne sentais donc point ce plaisir délicieux que procure l’observation réfléchie de la nature et des êtres vivants ? Tu as tué un tétras ou coq de bruyère au moment où il rassemblait autour de lui les poules de sa cour. »

Fritz, confus et repentant, baissa les yeux. Le mal était fait. Il fallut profiter de sa chasse. Nous ramassâmes donc le coq de bruyère pour le porter à ma femme.

« Je suis d’autant plus fâché, maintenant, dit Fritz, d’avoir tué ce coq, que, si je n’avais pas effrayé les poules, nous aurions pu les prendre vivantes, et de pareilles poules seraient vraiment bien précieuses pour notre basse-cour.

moi. — C’est à quoi je pensais ; mais tout n’est pas perdu.