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de marchandises jetées sur le marché et auxquelles on permettrait de prendre leurs valeurs naturelles relatives.

Tel parait avoir été le système que voulait établir le gouvernement révolutionnaire français, par la loi avortée de thermidor an III. Des disques de dix grammes chacun devaient être frappés en or, en argent et en cuivre, puis jetés dans la circulation, sans aucun effort pour en régler le cours. Si je comprends bien sa pensée, M. Garnier a récemment mis en avant un projet assez analogue, en proposant de choisir comme unité de valeur le gramme d’or au titre de neuf dixièmes, et de frapper des pièces d’un, deux, cinq, huit ou dix grammes concurremment avec les pièces d’argent au titre normal qui déjà sont en France des multiples du gramme. Le système de monnaie internationale de M. Chevalier repose, en partie du moins, sur la même idée ; car il pense que la monnaie principale devrait consister en décagrammes d’or. Mais, ainsi que M. Bagehot l’a fort bien remarqué, il n’y a aucun intérêt, en ce qui regarde la grande masse de la population, à ce que les monnaies soient dans des rapports simples avec le système des poids, car la plupart du temps on ne tient aucun compte du poids d’une monnaie. On veut seulement savoir combien il faut de pièces de cuivre pour égaler une pièce d’argent, et combien de pièces d’argent pour une pièce d’or. Si cependant nous appliquons rigoureusement et complètement le système de M. Chevalier, si nous faisons de toutes les pièces des multiples du gramme, nous obligeons tout le monde à se livrer sans cesse à des opérations arithmétiques fort compliquées. Personne ne pourrait faire le change avec exactitude sans calculer combien de pièces de dix grammes en argent sont nécessaires, au prix courant de l’argent, pour faire l’équivalent d’une pièce d’or de dix grammes. Ces calculs indispensables occasionnent une perte de temps et des peines inutiles, et l’on procurera ainsi un profit assuré aux personnes habiles et sans scrupules, aux dépens des pauvres et des ignorants.

Ces objections si naturelles ont fait que jamais, à ce que je crois, aucun gouvernement n’a mis en pratique un système monétaire tel que celui qui vient d’être décrit. Cependant des systèmes d’une nature analogue se sont produits