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6. stabilité dans la valeur.

Évidemment on doit désirer que la valeur de la monnaie ne soit pas sujette à fluctuation. Les proportions dans lesquelles elle s’échange contre d’autres objets doivent être maintenues dans une moyenne aussi invariable que possible. Cette condition aurait relativement peu d’importance si la monnaie ne s’employait que pour mesurer les valeurs à un moment déterminé, et comme moyen d’échange. Si d’un autre côté tous les prix se modifiaient dans la même proportion dès que la valeur de la monnaie varie, personne ne gagnerait ni ne perdrait, excepté pour les pièces qu’on se trouverait avoir en poche, en réserve, ou à son compte chez un banquier. Mais, dans la pratique, ainsi que nous l’avons vu, on emploie l’argent comme valeur typique et régulatrice dans les contrats à longue échéance, et souvent l’usage ou la loi maintiennent les paiements à un taux invariable, lors même que la somme payée change considérablement de valeur. Aussi tout changement dans la valeur de la monnaie occasionne un certain préjudice à la société.

On pourrait dire, il est vrai, que le débiteur gagne ce que perd le créancier, ou vice-versa, de telle sorte qu’en somme la communauté est aussi riche qu’auparavant ; mais cela n’est pas tout à fait vrai. Une analyse mathématique du problème montre, que si l’on prend une somme quelconque à une personne pour la donner à une autre, dans le plus grand nombre des cas le préjudice causé à l’une dépasse le profit que fait l’autre. Une personne qui jouit d’un revenu de cent livres sterling par an perdra plus, si on lui en ôte dix, qu’elle ne gagnerait si on lui en donnait dix de plus, parce que le degré d’utilité de l’argent est beaucoup plus considérable pour elle à quatre-vingt-dix livres qu’à cent dix. D’après le même principe tous les jeux, les paris, les faits de pure spéculation, toutes les autres circonstances où le hasard intervient dans le transport de la propriété impliquent, dans la majorité des cas, une perte d’utilité. Ce qui encourage l’industrie, le commerce et l’accumulation du capital, c’est uniquement l’attente des jouissances qu’on en