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de l’étalon multiple.

On peut donc se demander si les progrès de la science économique et statistique ne nous permettent pas d’imaginer un étalon de valeur plus satisfaisant. Nous avons déjà vu que le système de monnaie appelé système à double étalon, fait porter sur une surface plus étendue les fluctuations de l’offre et de la demande pour l’or et pour l’argent, et donne à la valeur des deux métaux plus de stabilité qu’elle n’en aurait autrement. Ne pouvons-nous concevoir un étalon multiple, qui serait encore moins sujet à variation ? Nous estimons la valeur d’une centaine de livres par la quantité de blé, de pommes de terre, de houille, de bois, de fer, de thé, de café, de bière et des autres denrées principales, que nous pouvons nous procurer avec cette somme. Ne pourrions-nous inventer un étalon, un billet à cours forcé, qui pourrait se convertir, non pas en une marchandise unique, mais en un composé de petites quantités de marchandises variées, dont chacune serait rigoureusement déterminée en quantité et en qualité ? Ainsi un billet de cent livres donnerait à son propriétaire le droit de réclamer un quarter de bon froment, une tonne de fer en barres tel qu’il se trouve d’ordinaire dans le commerce, une centaine de livres pesant de coton passable, vingt livres de sucre, cinq de thé, et d’autres articles en quantité suffisante pour parfaire la somme. Sans doute la valeur relative de toutes ces marchandises variera ; mais si le possesseur du billet perd sur quelques-unes, il gagnera très-probablement sur d’autres ; de sorte qu’au total son billet conservera une puissance d’achat assez stable. En effet, comme les articles contre lesquels on peut échanger ce billet sont ceux qu’on a toujours besoin de consommer, sa puissance d’achat restera stable en comparaison de celle de l’or et de l’argent, puisque ces métaux ne sont employés que pour un petit nombre d’usages spéciaux.

Dans la pratique un tel étalon monétaire serait évidemment très-incommode ; car personne ne voudrait être forcé de garder un assortiment de marchandises variées. Celui qui aurait besoin de blé devrait vendre à d’autres le fer, le bœuf