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ments. Plus d’un siècle avant l’ère chrétienne, un empereur de la Chine, pour soutenir ses guerres, leva des fonds par une méthode indiquant que l’usage de jetons de cuir était familier à son peuple. Comme ces jetons se faisaient avec des peaux de daims blancs, il réunit dans un parc tous les daims de ce genre qu’il put trouver, et défendit à ses sujets de posséder aucun animal de cette espèce. Après s’être assuré ainsi un monopole qui rappelle celui de la Banque d’Angleterre pour le papier à filigrane, il émit des pièces de cuir blanc comme monnaies avec un taux très-élevé.

Au milieu du XIIIe siècle, Marco Polo trouva en Chine un papier monnaie composé de l’écorce intérieure d’un certain arbre. On battait cette substance et l’on en faisait un papier qui se coupait en feuilles carrées signées et scellées avec de grandes formalités. Ces billets étaient de diverses valeurs et avaient cours forcé, la mort étant la pénalité infligée à ceux qui refusaient de les recevoir. Les faussaires encouraient la même pénalité. Un autre voyageur, qui visitait la Chine au XIVe siècle, fait une description toute semblable du papier-monnaie qui avait cours à cette époque, et ajoute que, lorsqu’il était usé ou déchiré, on pouvait le changer sans frais contre des billets nouveaux. Il est inutile de suivre en détail cette histoire longue et obscure dans les derniers temps. On trouvera d’ailleurs une foule de renseignements à ce sujet dans l’article de M. Bernardakis, et celui de M. Courcelle-Seneuil sur le papier-monnaie, travail qui a paru dans le Dictionnaire de l’économie politique. Il suffit de dire que cette histoire ressemble à celle de la plupart des numéraires non convertibles. La quantité de papier en circulation augmenta sous la dynastie Mongole, au point de causer de grands malheurs, et la dynastie des Ming, continuant à en émettre, alla jusqu’à prohiber l’usage de la monnaie d’or ou d’argent. La valeur du papier tomba si bas, dit-on, qu’un seul sapèque de métal en valait mille en papier, ce qui représente l’état actuel de la circulation du papier à Saint-Domingue. Le résultat fut une banqueroute et une réaction dans le XVe siècle.

Parmi les autres nations asiatiques, les Tartares et les Persans comprirent aussi l’utilité du papier-monnaie, et sir John