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M. Pascal, sous-secrétaire d’État, qu’il n’hésita pas à sacrifier, pour sauver son portefeuille.

Ce fut à grand peine que le cabinet obtint le vote de l’ordre du jour pur et simple, encore fallut-il que M. Baragnon, le fougueux orateur légitimiste, vint déclarer qu’en votant l’ordre du jour il n’entendait pas pour cela approuver tous les termes de la circulaire !

La victoire du cabinet, après un si consternant débat, était désastreuse. Quant à M. Beulé, ce fut un naufrage, et il resta dans le ministère comme une misérable épave.

Cette discussion qui venait de révéler à la France entière les procédés qu’entendaient employer les vainqueurs du 24 mai, fit plus pour les progrès du parti républicain que les articles et les discours les plus éloquents des polémistes et des orateurs de gauche.


CHAPITRE XIX


Développement du cléricalisme. — Poursuites contre la presse et les républicains. — Les aumôniers militaires et la basilique de Montmartre. — Conspirations monarchistes. — « Les chassepots partiraient d’eux-mêmes ». — Nouvelle déroute des royalistes. — Le Septennat.


L’échec très grave — puisque le ridicule s’en était mêlé — essuyé par le ministre de l’Intérieur dès son début, n’avait pas été pour accroître le prestige d’un cabinet qui déjà en avait si peu. Mais cet incident trop minime à ses yeux n’était pas pour le troubler. Ses soutiens et lui s’étaient tôt remis de l’alerte ; ils avaient fait contre mauvaise fortune bon cœur et, le lest jeté en la personne d’un infortuné sous-secrétaire d’État transformé en bouc émissaire, ils poursuivirent leur route avec l’audace que peuvent seuls donner de vastes espoirs et une victoire toute récente. Avec une fatuité et une inconscience inconcevables, ne tenant aucun compte de l’opinion publique, rassurés par la saignée faite parmi l’élément le plus avancé du parti républicain, ils basaient tous leurs calculs de probabilités, toutes leurs combinaisons sur la situation parlementaire et sur la présence au pouvoir exécutif d’un soldat qu’ils considéraient comme un simple et passif agent d’exécution tout à leur dévotion. Puis, s’ils escomptaient l’intervention en leur faveur, l’heure venue, de toute l’adminis-