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« Tout en Allemagne se ramène maintenant à la question du Schleswig-Holstein… Il n’y a pas un Allemand qui n’en ressente la profonde signification pour notre état intérieur. Chacun sait que dans cette question se décidera la question allemande. Il semblait au début que les États allemands moyens, les États purement allemands pourraient, par l’affaire du Schleswig-Holstein, arriver à une signification politique plus grande. C’est la raison pour laquelle cette question a excité une émotion plus vive dans les États allemands qui ne sont ni la Prusse ni l’Autriche. Quiconque observe avec attention les mouvements qui ont ébranlé l’Allemagne dans les cinquante dernières années, trouvera que la cause propre en est dans le mécontentement des États moyens et des petits États, d’une population d’environ dix-neuf millions d’hommes, qui se voient exclus de toute participation à la destinée de l’Europe. Cette population des États moyens et petits de l’Allemagne se voit dans l’état d’hommes devenus majeurs et qui seraient privés de l’administration de leurs propres intérêts. Une pareille situation devient à la longue intolérable. On a objecté à cela que la condition matérielle des États moyens et petits est satisfaisante, et que c’est une folie de s’efforcer vers un autre état, dans lequel vraisemblablement des sacrifices matériels plus lourds que maintenant seraient exigés.

« Mais cette ambition même ou plutôt ce besoin d’honneur et de prestige est un signe de la capacité vitale du peuple allemand, qui met l’honneur et le prestige plus haut que les seules satisfactions matérielles. C’est donc pour sortir de cet état de choses qu’on s’est efforcé en 1848 vers ce qu’on appelait l’unité allemande. Car ce mouvement commença dans l’Allemagne du Sud. Il s’est révélé inefficace, car ni l’Autriche ni la Prusse ne pouvaient se subordonner à un pouvoir idéal. Un parti a voulu alors réaliser l’hégémonie prussienne. Il s’est brisé contre le refus de la maison royale de Prusse. Mais l’effort vers l’unité a persisté parce qu’il reposait sur la nature des choses. Alors s’est posée cette question du Schleswig-Holstein qui aurait permis aux États allemands petits et moyens, s’ils avaient pu s’unir, de conquérir une situation européenne. Ceux-ci, divisés et incapables, laissèrent passer l’occasion favorable. Lorsque les grandes puissances prirent l’affaire en main, les espérances politiques que le peuple de l’Allemagne du Sud avait attachées à la question du Schleswig-Holstein disparurent, sans que l’intérêt qu’il prenait à l’affaire même diminuât. Seulement l’opinion publique s’est tournée davantage vers la Prusse, parce qu’on a l’espérance que la Prusse, après les succès guerriers, n’opprimera pas les droits des duchés. »

Onze mois après, le 15 avril 1865, le prince de Hohenlohe envoyait une nouvelle étude à la reine Victoria :

« La question qui, le printemps dernier, agitait toute l’Allemagne est maintenant passée à l’arrière-plan. Il est certes beaucoup parlé encore et beaucoup écrit du Schleswig-Holstein, mais le peuple n’y prend plus qu’une moindre part. Cela montre la justesse de nos affirmations précédentes, à savoir que