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explicite parlant à leur personne, il l’était plus encore parlant à la France. Dans ses télégrammes à ses préfets il affecte de bien montrer que conciliation et transaction n’occupent aucune place dans son esprit, que ce sont billevesées auxquelles un homme honnête et sérieux ne peut s’arrêter.

Le 11 avril, après avoir vu les délégués des Chambres syndicales, il écrit : « Rien de nouveau… il n’y a de conspiration contre la République que de la part des insurgés de Paris ; mais on prépare contre eux des moyens irrésistibles et qu’on ne cherche à rendre tels que dans le désir d’épargner l’effusion du sang ». Le 13 avril, ayant reçu la visite des délégués de l’Union Républicaine, il en prend texte précisément pour les déclarations que voici : « L’insurrection donne plusieurs signes de fatigue et d’épuisement. Bien des intermédiaires sont venus à Versailles porter des paroles, non pas au nom de la Commune, sachant qu’à ce titre ils n’auraient pas même été reçus, mas au nom des républicains sincères qui demandent le maintien de la République, et qui voudraient voir appliquer des traitements modérés aux insurgés vaincus.

« La réponse a été invariable. Personne ne menace la république si ce n’est l’insurrection elle-même ; le chef du pouvoir exécutif persévérera loyalement dans les déclarations qu’il a faites à plusieurs reprises. Quant aux insurgés, les assassins exceptés, ceux qui déposeront les armes auront la vie sauve. Les ouvriers malheureux conserveront, pendant quelques semaines, le subside qui les faisait vivre. Paris jouira, comme Lyon, comme Marseille, d’une représentation municipale élue, et, comme les autres villes de France, fera librement les affaires de la cité ; mais, pour les villes comme pour les citoyens, il n’y aura qu’une loi, une seule, et il n’y aura de privilège pour personne. Toute tentative de sécession essayée, sur une partie quelconque du territoire, sera énergiquement réprimée en France ainsi qu’elle l’a été en Amérique ».

Une chose plus que toute autre avait contribué à procurer à Thiers cette assurance et cette arrogance : l’attitude prise par les élus républicains et radicaux qui représentaient Paris à l’Assemblée nationale. Défalcation faite des quelques-uns : Delescluze, Cournet, Pyat, Malon, Razoua, Millière qui avaient rejoint plus ou moins expressément la Commune, et de Clemenceau, Floquet et Lockroy qui venaient d’envoyer leur démission pour agir plus librement, prétendaient-ils, le restant n’avait pas même l’air de se douter qu’on bombardait leur ville et leurs électeurs. Ceux-là s’appelaient Louis Blanc, Edgar Quinet, Peyrat, Edmond Adam, Dorian, Henri Brisson. Ils avaient une notoriété, une autorité auprès de la démocratie française toute entière. Il eut suffi que, sans entrer le moins du monde dans le mouvement communaliste, ils prêtassent leur nom et leur appui à la Ligue républicaine pour donner figure et consistance à l’intervention de la bourgeoisie en faveur des droits de la capitale et obliger le Pouvoir central à entendre et à traiter. Leur adhésion eut entraîné immanquablement celle de toutes les grandes villes qui avaient les yeux fixés sur leurs personnes, les considérant comme les chefs