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votes de mesures chimériques applicables à l’échéance de la victoire. C’est Urbain, c’est Regère, c’est Parizel, Babick on Géresme qui débattent et qui tranchent ; c’est Pyat surtout, soufflant le froid et le chaud, violent dans le huis-clos des commissions, paterne au contraire et douceâtre dans son journal le Vengeur où il parle au grand public, toujours mélodramatique et perfide.

Là preuve est faite désormais et il n’est plus de rémission à espérer. La Commune s’est manifestée inférieure à sa tâche, inférieure au milieu révolutionnaire dont elle est issue. Elle n’a pas été le guide, le conducteur attendu éclairant la route, écartant les obstacles ; elle a succombé dés l’abord sous le poids de responsabilités trop lourdes. Elle n’a pas su se discipliner elle-même, s’organiser pour organiser ensuite de proche en proche le dehors, Paris, sa classe ouvrière et opposer un front compact et ferme à l’assaut de l’ennemi qui allait venir, qui ne pouvait pas ne pas venir.

Ce ne sont pas les élections du 16 avril qui infuseront maintenant à la Commune défaillante un sang nouveau. Ce scrutin, abstraction faite de Charles Longuet qui, au Journal Officiel avait souvent exprimé les vues les plus saines et les plus justes sur les événements de mars, de Gustave Courbet, le grand peintre réaliste, de Trinquet n’amenait guère à l’Hôtel de Ville que quelques nouvelles inutilités ou nullités, en même temps qu’il accusait la désaffection grandissante de la classe moyenne parisienne qui avait déserté les urnes avec une unanimité inquiétante.

Ce n’est pas davantage la disparition formelle de la Commission exécutive déjà si fortement ébranlée à la suite de la sortie du 3 avril, qui rétablira la situation. Au contraire, la disparition de la première Commission exécutive qui avait tâché tout au moins d’être un gouvernement dirigeant, assurant le fonctionnement régulier et concordant des services et communiquant à toutes les parties une impulsion d’ensemble, marque la victoire de la conception fédéraliste qui était si puissamment ancrée, comme nous l’avons vu, dans la cervelle de plusieurs des membres de l’Assemblée communale. À la Commission exécutive, qui siégeait en permanence à l’Hôtel de Ville avec des attributions très larges et des droits quasi-illimités, la Commune substituait un soi-disant pouvoir exécutif composé des délégués réunis des neuf Commissions entre lesquelles étaient répartis les travaux et les attributions administratives. Ces délégués devaient sans doute se réunir chaque jour et prendre à la majorité des voix les décisions relatives à chacun de leurs départements, pour être ensuite, en comité secret, communiquées à la Commune elle-même qui statuait en dernier ressort. Mais en réalité c’est à des postes et non à des fonctions que les nouveaux titulaires étaient appelés, l’unique fonction en ce moment au fond étant la guerre. Isolés chacun dans leur ministère, ayant une besogne particulière les obligeant, s’ils étaient consciencieux, à descendre et se noyer dans le détail, n’étant plus en contact permanent entre eux, à l’Hôtel de Ville même et avec la Commune, ils perdaient jusqu’à la possibilité d’exercer une