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ils retombaient dans la voie qu’ils avaient suivie longtemps et se laissaient aller, avec une bonne foi incontestable, à vouloir appliquer de vieux procédés à une idée nouvelle. Ils ne comprenaient pas, qu’en pareil cas, la forme emporte presque toujours le fond et qu’en voulant fonder la liberté par des moyens dictatoriaux ou arbitraires, on tue celle-là même qu’on veut sauver. La troupe, composé du reste d’éléments assez divers, forma la majorité et s’intitula « Révolutionnaire-Jacobin. »

Il est évident qu’Arthur Arnould, dans le crayon qu’il trace ainsi, a surtout en vue, quand il parle de minorité lui-même et peut-être Lefrançais, car il n’y eut guère à la Commune que ces deux hommes qui brûlassent d’une telle soif d’autonomie et aient été prêts ainsi à renoncer à la victoire plutôt que d’y atteindre par des procédés contradictoires à leurs principes. Varlin, Frœnkel, Avrial, Jourde, Vallès, Vermorel, et jusqu’à Theisz et Malon échappent à cette classification.

Pareillement, quand il parle de la majorité, c’est à Delescluze, à Gambon, à Miot, à Félix Pyat, que l’auteur songe particulièrement, c’est-à-dire aux Jacobins authentiques. Son appréciation cadre bien moins exactement quand on la rapporte aux blanquistes : à Duval, à Eudes, à Ferré, qui n’étaient pas, qu’on sache, très empêtrés de théories, et moins encore, si on tente d’en faire application à des hommes tels que Tridon, Vaillant ou Arnaud qui, sans souci des idéologies, ne savaient que le but et s’efforçaient d’y tendre d’une volonté ferme. En gros, néanmoins, le parallèle, bien que trop géométrique peut-être, ne manque pas d’une certaine vérité. Par cela même du reste qu’il indique d’un trait ferme et sûr les deux tendances extrêmes, toutes deux nocives, les deux pôles entre lesquels oscilla le mouvement, il suggère une image assez fidèle de la situation d’ensemble et permet par tâtonnements et retouches de camper finalement personnages et groupes chacun à son plan.

Laissons maintenant parler les faits.

Le conflit des tendances se produisit dès l’abord à l’occasion de la publicité des séances. Arnould, Lefrançais, Jourde qui se joignit à eux, tenaient pour la publicité par raison de principe. Les deux premiers avaient défendu la thèse sous l’Empire pour les Assemblées d’alors : ils la soutenaient à l’avenant pour la Commune sans se demander si le corps dont ils dépendaient était bien, vu les circonstances, une Assemblée parlante comme une autre, et non pas plutôt un Comité exécutif dont les délibérations ne devaient revêtir publicité qu’en se faisant actes. Paschal Grousset présenta, en l’outrant, la thèse contraire.

En parlant de Conseil de guerre et de Conseil des Dix, il dramatisait lorsqu’il n’y avait qu’à constater ; il froissait les préjugés libérâtres, fournissait un aliment à la controverse. Aussi la question revint-elle incessamment devant la Commune qui, après l’avoir tranchée au début par la négative complète, aboutit ensuite à une publicité extrêmement mitigée, il est vrai.

Le conflit se marqua plus expressément encore, quand il s’agit pour la