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s’était borné à prendre, comme nous l’avons mentionné, les dispositions matérielles pour assurer le fonctionnement du scrutin et à adresser, en guise d’adieu à la population, un appel où il invitait les électeurs à choisir, en dehors des ambitieux, des parleurs et des trop fortunés, des hommes pris parmi eux, vivant de leur propre vie, souffrant des mêmes maux. La veille, il est vrai, les deux délégués du Comité central à l’intérieur, Antoine Arnaud et Ed. Vaillant, avaient précisé, en un document plus étendu, le sens des élections qui allaient se produire et leur portée. Mais ce document sobre, direct et concret, n’était encore qu’un historique. Il relatait les faits, envisageait les problèmes posés par la situation, se bornant à affirmer que les questions d’échéance et de loyer ne pouvaient être réglées que par les représentants de la Ville, soutenus par leurs concitoyens toujours appelés, toujours entendus. De même la question de la solde : « Il y a, disait la note, une période de transition dont on doit tenir compte, une solution qui doit être cherchée de bonne foi, un devoir de crédit au travail qui arrachera le travailleur à une misère immédiate et lui permettra d’arriver rapidement à son émancipation définitive. »

Seul, le Comité central des vingt arrondissements, qui ne rappelait du reste qu’assez vaguement le Comité de même nom qui avait agi sous le siège, en raison de l’infiltration des « Internationaux » qui s’y était produite, publia, sous les signatures de Pierre Denis, Dupas, Lefrançais, Rouiller et Jules Vallès, un programme, au sens ordinaire du mot, interprétant les revendications du prolétariat parisien et traçant l’œuvre à accomplir par la nouvelle Assemblée. Ce programme portait distinctement l’estampille proudhonienne et reflétait non moins les tendances fédéralistes qui devaient s’accuser à la Commune elle-même, en opposition au point de vue centraliste des Jacobins et des Blanquistes, et aussi, peut-on dire, en contradiction avec les nécessités impérieuses du moment. Ces considérations en justifient une brève analyse. « La Commune, disait donc le document, est la base de tout état politique, comme la famille est l’embryon des sociétés. Elle doit être autonome, c’est-à-dire se gouverner, s’administrer elle-même, suivant son génie particulier, ses traditions, ses besoins… Pour s’assurer le développement économique le plus large, l’indépendance nationale et territoriale, elle peut et doit s’associer, c’est-à-dire se fédérer avec toutes les autres communes ou associations de communes qui composent la nation… L’autonomie de la commune garantit au citoyen la liberté, l’ordre à la cité, et la fédération de toutes les communes augmente, par la réciprocité, la force, la richesse, les débouchés et les ressources de chacune d’elles. » Suivait l’énumération des garanties politiques : République ; liberté de parole, de presse, de réunion, d’association ; souveraineté du suffrage universel ; éligibilité, responsabilité et révocabilité de tous les magistrats et fonctionnaires. Pour Paris, et de suite : suppression de la préfecture de police ; suppression de l’armée permanente ; autonomie de sa garde nationale ; libre disposition de son budget, sous réserve de sa part de