Page:Jaurès - Histoire socialiste, XI.djvu/306

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de tous les chefs de la garde nationale, répondait péremptoirement comme suit à l’inepte calomnie portée contre la capitale de vouloir se séparer de la France : « Paris n’a nullement l’intention de se séparer de la France. Loin de là ; il a souffert pour elle l’Empire, le Gouvernement de la Défense nationale, toutes ses trahisons et toutes ses lâchetés. Ce n’est pas, à coup sûr, pour l’abandonner aujourd’hui, mais seulement pour lui dire en qualité de sœur aînée : Soutiens-toi toi-même, comme je me suis soutenue : oppose-toi à l’oppression, comme je m’y suis opposée. »

Le langage diffère de celui de Versailles. Ni insulte, ni provocation. Pas d’appel à la tuerie et au carnage. Le Comité central ne s’occupait qu’à convaincre, à persuader chacun, Paris et province de son bon droit, de la légitimité de ses revendications, de la supériorité de sa cause.

Pourtant, si pacifique que l’on soit, il faut bien à certaines heures, si l’on ne veut périr, se défendre, repousser l’attaque. Dans son numéro du 22 l’Officiel de Paris relevait la déclaration de la Presse parue la veille. Il annonçait que le Comité central ne permettrait pas que l’on portât atteinte plus longtemps à la souveraineté du peuple, en continuant à exciter à la désobéissance à ses décisions et ordres, et menaçait les délinquants de répression au cas de récidive.

Une note plus étendue, intitulée « Le Droit de Paris », et signée : le délégué au Journal Officiel », établissait la position respective de Paris et de Versailles. L’Assemblée nationale y était montrée telle qu’elle était, viciée dans ses origines, privée déjà d’une partie notable de ses membres, n’ayant reçu au surplus qu’un mandat limité, celui de résoudre la question de la paix ou de la guerre, et ne pouvant, sans violer la souveraineté du peuple, s’octroyer le pouvoir constituant et le droit d’élaborer des lois organiques. L’Officiel indiquait au surplus que, devant les démonstrations de la réaction qui était descendue dans la rue et menaçait d’y descendre encore, les élections étaient reportées au lendemain 23.

Les députés et les maires, moins fanfarons, en raison même de la tournure prise la veille par les débats de l’Assemblée nationale, avaient affiché pour leur part un placard où ils se bornaient à conseiller la patience et l’attente. Mais, maires et députés n’étaient pas maîtres de toute la clientèle bourgeoise. Les « Amis de l’Ordre » tenaient à manifester et manifestèrent comme ils l’avaient dit. La réaction voulait sa journée, elle l’eut, pas brillante du tout.

Vers midi, les « Amis de l’Ordre » commençaient à se grouper sur la place du Nouvel-Opéra, sans armes, apparentes du moins, puisque la consigne en avait été ainsi donnée. Dans les groupes, circulait l’amiral Saisset, de par Versailles commandant en chef de la garde nationale et dont le quartier général se trouvait très proche, au Grand-Hôtel. Le « brave marin » venait sans doute tâter le terrain. Ne le trouvant pas solide, il refusa le ruban bleu que les conjurés arboraient