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qu’inclinait son esprit. Et, quand vient la crise de Sadowa, c’est lui qui interprète les événements d’Allemagne avec le plus de liberté et de largeur de pensée.

Certes il condamne comme violentes, comme « jacobines », les annexions opérées par M. de Bismarck : mais il ne méconnaît pas la force du sentiment national qui conspire avec lui. Il rappelle que la Saxe vaincue, obligée par la force des armes d’entrer dans la Confédération du Nord, vient de nommer des députés au Parlement du Nord favorables à l’ordre nouveau. Et surtout, après des réserves sur le passé, il a le courage de conclure pour l’avenir à l’acceptation hardie et loyale de l’Allemagne nouvelle. « Les faits sont regrettables, mais ils sont consommés ; nous avons dû les laisser s’accomplir. Quelle attitude devons-nous prendre désormais ? Telle est l’interrogation à laquelle il me reste à répondre résolument, sans équivoque, sans tergiversation, ni dans la pensée, ni dans la parole.

« Pour éluder la difficulté, ne nous faisons pas d’illusions. M. Garnier-Pagès vient de vous dire (c’est le 15 mars 1867 que M. Émile Ollivier s’exprime ainsi) que ce que fait M. de Bismarck ne durera pas. Eh ! bien, il se trompe. Ce que fait M. de Bismarck durera, et non seulement ce qu’il fait durera, mais ce qu’il fait s’étendra. (Mouvements prolongés en sens divers.) Ce que fait M. de Bismarck s’étendra ; et un jour va arriver, jour plus ou moins prochain mais certain, où la Confédération du Sud s’étant organisée militairement à la prussienne, la Confédération du Nord étant définitivement constituée, les deux Confédérations iront l’une vers l’autre et se tendront la main à travers le Mein, malgré le traité de Prague, (Nouveaux mouvements.). Messieurs, les interpellations qui se discutent aujourd’hui n’auraient aucune signification si elles n’amenaient pas des explications et un débat sur ce fait, (C’est vrai ! Parlez ! Parlez !) Oui, un jour viendra où la Confédération du Sud organisée voudra s’unir à la Confédération du Nord organisée ! Ce jour-là, que ferez-vous ? Ce jour-là, que devons-nous faire ? (Mouvement d’attention.)

« Je n’hésite pas à dire que c’est le problème le plus grand qui se soit imposé depuis longtemps à la méditation et à la responsabilité du Gouvernement français, et suivant la manière dont il sera résolu, nous irons à la paix ou à une série de luttes interminables.

« Pour moi, une politique inadmissible, c’est celle qui consiste à dire : Ce qui s’est passé a humilié, abaissé la France : subissons-le avec résignation ; essayons seulement d’empêcher que l’œuvre commencée ne se termine. Je ne puis pas m’associer à ce langage. Si la France a été abaissée, si la France a été humiliée, si la France a été diminuée, je ne comprends pas qu’elle accepte l’humiliation, je ne comprends pas qu’elle accepte la diminution. Si l’établissement de la Confédération est un péril, si elle est un affaiblissement, je dis à mon pays : Ô mon pays ne recule pas devant le péril, ne courbe pas la tête sous l’humiliation ; tire l’épée, venge ton honneur et rétablis ta puissance (Vif