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aboutir en 1848 par la Révolution démocratique, aboutir maintenant sous l’impulsion et la discipline de la Prusse. « Nous avons besoin au Midi de l’alliance italienne, mais il nous est non moins nécessaire de compter au Nord sur l’amitié de l’Allemagne contre la Russie, contre cette puissance colossale qui s’avancerait en Europe si on la laissait faire : l’Allemagne est notre rempart, notre véritable avant-garde. (Marques d’approbation.)

« Pour que cette union entre la France et l’Allemagne, qui importe tant à notre sécurité, existe toujours, la première condition, ou plutôt l’unique condition, c’est que l’Allemagne soit bien convaincue de notre désintéressement, c’est qu’elle soit bien persuadée que nous n’avons pas le désir d’un agrandissement de son côté. Nous demandons qu’elle n’établisse pas à nos portes, comme une menace contre nous, une unité factice qui serait dangereuse par cela même qu’elle serait factice : mais qu’elle se développe, qu’elle se fortifie et, son indépendance n’étant pas menacée, qu’elle ne renonce pas à sa belle variété, qu’elle soit prospère et puissante : Voilà ce que nous lui souhaitons d’un cœur sincère et sans arrière-pensée ».

Dans le même ordre d’idées, et avec une très grande force, M. Émile Ollivier, parlant le 15 avril 1865 sur la question romaine, défend contre M. Thiers l’unité italienne. À vrai dire, quand il touche à la question du pouvoir temporel, ce n’est plus avec la netteté de son discours de 1862 ou du discours qu’il prononça à Turin le 10 juin 1864 ; on dirait que sa pensée hésite et gauchit. Il ne dit plus que, dans l’intérêt même de la religion, le pouvoir temporel du pape doit disparaître, et son enthousiasme pour l’unité italienne s’arrête au seuil de Rome. Il blâme tous ceux, révolutionnaires ou modérés qui, de parti pris, veulent aller à Rome ; mais il définit de telle sorte les conditions d’existence et de légitimité du pouvoir temporel, qu’en fait, celui-ci est condamné à disparaître devant le libéralisme et la démocratie. Au bout de raisonnements compliqués, sinueux et presque tortueux, c’est la même conclusion qui se retrouve. Examinant les effets probables de la convention du 15 septembre, par laquelle la France s’engageait à retirer ses troupes de Rome aussitôt que le pape ne serait pas menacé, et par laquelle l’Italie s’engageait à ne pas violenter le pape, M. Émile Ollivier disait : « Deux opinions se partageaient les esprits : La première était celle du parti unitaire italien. Elle consistait à dire : Rome appartient à l’Italie. Dans tous les pays l’on prononce la langue italienne, le droit de la nationalité préexiste ; et que les habitants le veuillent ou qu’ils s’y opposent, sans qu’on ait besoin de les consulter, tout pays circonscrit dans le territoire italien est italien. C’était la doctrine de Mazzini, de Garibaldi et de ce qu’on appelle le parti d’action.

« Le parti modéré, celui des hommes politiques attachés à M. de Cavour, aboutissait au même résultat mais par un chemin et des arguments tout différents. M. de Cavour, qui était un homme d’État de premier ordre, ne se piquait pas de faire des théories ; il se contentait de poursuivre son but par les moyens