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temporel du pape est contraire à la nécessaire unité italienne, au droit des Romains et à l’intérêt religieux du catholicisme même. « Oui, messieurs, quand les consciences catholiques seront éclairées, elles comprendront que le pouvoir temporel est un instrument vermoulu et compromettant, qu’entre la foi, chose immatérielle, et les intérêts temporels, chose terrestre, il n’y a aucun lien nécessaire. Et à ceux qui soutiennent l’opinion contraire, je n’hésite pas à dire : Ô hommes de peu de foi, comment pouvez-vous croire, au dix-neuvième siècle, alors que la liberté, qu’on la conteste ou qu’on la nie dans telle ou application, est vivante au fond des cœurs, alors que vous êtes, ainsi que vous l’avez dit, deux cents millions de catholiques, et qu’indépendamment de ces deux cents millions de catholiques, vous avez pour vous défendre, si vos droits étaient violés, toutes les âmes libérales du monde ; comment pouvez-vous croire que la conservation de la foi, que l’intégrité des dogmes, que l’unité catholique soient attachées à ces quelques lambeaux de terre que vous êtes obligés de défendre par les armes étrangères ? Oh ! que Tertullien était mieux inspiré et plus croyant que vous lorsqu’il s’écriait : « Rien de terrestre n’est nécessaire à la foi, rien, absolument rien ! » et qu’il est plus religieux que vous, le prêtre qui vient de se lever dans l’Italie régénérée pour commencer l’alliance qui se forme dans tous les esprits droits entre la liberté et la religion ! et qu’il est fort et net son langage à Pie IX : « Saint Père, vous avez commencé votre règne en disant : Je pardonne ! terminez-le en disant : Je bénis ! et consentez à être dans le monde comme le président de l’Assemblée des peuples : partout présent, partout étranger, partout indépendant, comme la conscience et comme la vérité ».

Qu’on retienne ces paroles, car nous aurons à les rappeler. Mais ce qui frappe, dans ce discours de mars 1863, c’est que M. Émile Ollivier y parle de l’unité italienne incomplète encore avec une abondance de cœur et d’esprit qui déborde d’avance sur l’unité allemande. « L’honorable M. Keller se trompe, lorsqu’il fait à un homme quel qu’il soit, l’honneur d’avoir créé, soutenu et propagé ce qu’on appelle l’unité italienne. Tout patriote italien trouve cette foi dans son berceau ; elle a été enseignée dans les chants sublimes de Dante, et Machiavel de sa plume immortelle écrivant sur les choses de la politique, l’a montrée à l’Italie il y a plusieurs siècles, comme le but vers lequel elle devait marcher sans s’arrêter jamais. L’unité italienne n’est donc ni une idée mazzinienne, ni une idée républicaine, c’est une idée patriotique.(Assentiment sur plusieurs bancs.) Et savez-vous, mon cher contradicteur, pourquoi cette idée excite l’enthousiasme et le dévouement ? Parce qu’elle répond à la grande et douce idée de la patrie !

« Il y a eu un temps aussi où notre pays ne se composait que de provinces divisées, en guerre les unes avec les autres, menacées par l’étranger ; nous avions un duc de Bourgogne, un duc de Bretagne, etc. ; tant de désastres naissaient de cette situation, de toutes ces luttes, que la pauvre unité française ne pouvait se constituer qu’avec difficulté. Alors, il surgit une pauvre fille du