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la métallurgie, des métaux précieux, des fils et tissus, puis des articles de Paris. La diminution du personnel et des affaires, qui est eu moyenne de 54 0/0, va jusqu’à 75 0/0 dans celles-là. Le gouvernement doit accorder à deux d’entre elles un secours d’argent : 400.000 francs à celle des meubles, 200.000 à celle des bronzes. Dans la carrosserie, vu la grève des riches, la vente a diminué de 80 à 90 0/0. L’imprimerie des livres à perdu 50 0/0 ; l’autre, 25 0/0 seulement, à cause des journaux, affiches, circulaires. On ne voit guère que la fabrique d’équipements militaires qui ait 20 0/0 d’augmentation, parce qu’il a fallu habiller la garde nationale.

Ce qui domine, dans la cité parisienne, c’est la petite industrie. Sur 64.000 patrons recensés, 32.000 travaillent seuls ou n’ont qu’un ouvrier. Quant à la population ouvrière, qui se compose de 342.530 personnes, dont 112.981 femmes et 24.714 enfants au-dessous de 16 ans, elle se divise en quatre couches sociales dont les conditions et les caractères sont assez différents.

Avant tout, les ouvriers de la fabrique de Paris proprement dite (bijoutiers en vrai et en faux, bronziers, ouvriers en éventails, en jouets, etc. Ceux-là sont les plus parisiens de tous. Ils vivent en famille et sont sédentaires. Exerçant des métiers qui confinent à l’art, ils ont l’esprit vif et le goût affiné ; ils se sentent plus près du patron et ne désespèrent pas de pouvoir s’établir à leur compte le jour où ils auront quelques économies. C’est une classe qui aspire et touche à la petite bourgeoisie, mais qui est violemment rejetée dans le prolétariat par la première crise où les Monts de piété se remplissent d’objets de ménage et de lamentables nippes.

Les autres ouvriers dépendent bien davantage de l’industrie capitaliste. Les plus malheureux de tous sont ceux qui travaillent à l’aiguille. Ils comptent beaucoup de femmes parmi eux et ils appartiennent pour la plupart au vieux et toujours jeune système de la fabrique dispersée, du travail à domicile. Plus exploités parce que plus isolés, reclus perpétuels asservis à des besognes où l’imagination marche avec les doigts, ils sont tout à fait brisés et résignés ou volontiers exaltés. Ils se jettent alors avec fougue dans les théories qui leur promettent un allégement à leurs souffrances. On remarquait, en 1847, que des ouvriers tailleurs avaient figuré dans tous les grands procès politiques.

Viennent ensuite ceux qui travaillent en chantier ; ce sont surtout les ouvriers du bâtiment qu’on embauche sur la place de Grève. Venus du Limousin, de la Creuse, d’ailleurs encore, ils forment à eux seuls les 7/8e de la population ouvrière flottante. Comme ils n’ont point leur famille à Paris, la plupart d’entre eux vivent dans des garnis souvent misérables où ils sont 10 ou 15 par chambrée et quelquefois deux par lit. Sobres et plutôt avares que prodigues, ce sont des laborieux en même temps que des caractères calmes et des intelligences encore frustes. En 1848, les garnis où ils habitent