Page:Jaurès - Histoire socialiste, IX.djvu/340

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comptait, en février 1848, 34 établissements cotonniers, qui mettaient en mouvement 240.000 broches en fin et 160.000 à retordre. En juillet de la même année 164.000 étaient inactives. Les autres fonctionnaient 11 heures, 9 heures ou 6 heures par jour. La fabrication du tulle était réduite de moitié et les ouvrières tullistes gagnaient 25 centimes par jour à faire de la dentelle. À Tourcoing, 8.000 ouvriers, à Calais 9.000 sur 12.000 étaient en chômage. À Montreuil (dans l’Aisne) la passementerie n’occupait plus que 8 personnes au lieu de 17. Dans toute la région les filatures de lin étaient en faillite. Et comme les usines se fermaient, comme la construction des chemins de fer était suspendue, la métallurgie souffrait par contre-coup. À Saint-Quentin, les deux tiers des ateliers avaient fermé leurs portes, quoique le gouvernement eût commandé dans cette ville des lainages pour équipements militaires.

Si l’on se transporte à Rouen et aux alentours, les magasins encombrés ne parviennent pas à se vider ; à Elbeuf, sur l4.000 ouvriers quelques centaines continuent à travailler. Après des bagarres, les travailleurs étrangers ont été chassés ou congédiés. Seule, la bonneterie garde son marché presque intact. — En Alsace et dans l’Est, où les industries sont moins agglomérées, où les patrons ont été plus doux pour leurs hommes, la crise est moins intense. Cependant à Mulhouse, pendant plusieurs mois, les métiers s’arrêtent ou ne fonctionnent qu’une moitié de la journée. Sedan accuse 2/3 de sans-travail. À Troyes, les fileurs de laine sont dans la détresse la plus profonde. À Reims, on a dû créer des ateliers communaux. À la foire de Besançon, où se vendaient chaque année des milliers de tonnes de fer, on n’en vendit pas même une en 1848. — À Lyon, où les métiers ne se mettent en branle que sur commande, où il n’y a pas de production anticipée, la soierie n’a guère d’autre besogne que les écharpes et drapeaux commandés par le Gouvernement provisoire. À Saint-Étienne, les 2/3 des ouvriers sont réduits à l’inaction. 27 fours sur 37 sont éteints aux verreries de Rive-de-Giers. À Angoulème, 12 papeteries sur 25 sont arrêtées. Les salaires dans la région ont baissé de moitié, parfois des 2/3. — Dans le Midi, à Carcassonne, le secrétaire de l’Enquête écrit : « L’industrie des draps est tombée et l’on n’espère pas qu’elle puisse se relever. » Les troupeaux mêmes sont moins nombreux, parce que les métiers à tisser la laine le sont aussi. — Dans l’Ouest, en Bretagne, l’industrie des toiles, déjà victime des machines, achève d’être paralysée.

Reste Paris. C’est là que le mal est le plus profond. Ses 325 industries ont été décimées. Tous les métiers : ébénistes, bijoutiers, ciseleurs, fondeurs, tourneurs, charpentiers, serruriers, maçons, menuisiers, cordonniers, tailleurs, etc., ont fourni leur contingent aux chômeurs des Ateliers nationaux, sans compter 7.635 hommes sans profession. Après les journées de Juin, les industries les plus éprouvées sont celles de l’ameublement, du bâtiment, de