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autres : impôt du sel dur à qui élève du bétail ; impôt direct qui pèse sur la propriété foncière, tandis que les valeurs mobilières y échappent. Ils se plaignent du droit donné au créancier de saisir la maison du paysan, tandis que les rentes sur l’État sont insaisissables ; de la loi qui fait bénéficier le propriétaire seul de la plus-value créée par le travail du fermier. Ils réclament, pour relever leur condition, l’introduction chez eux de l’industrie à domicile, afin d’utiliser les chômages d’hiver ; la division ou le défrichement de ce qui reste de biens communaux, afin d’étendre les surfaces emblavées et d’offrir aux sans-travail des terres à cultiver ; l’amélioration des chemins vicinaux et la réduction des frais de transport, la création de greniers d’abondance, afin qu’on puisse garder pour les années mauvaises le surplus des récoltes exubérantes. Ils veulent qu’on fasse un bon code de police rurale et que dans les forêts nationales on permette aux habitants du voisinage de recueillir du bois mort et de la litière. Ils font appel à l’État pour reboiser les pentes dénudées, pour endiguer les torrents, pour irriguer ou drainer les champs, pour imposer la salubrité des maisons dans les villages, pour répandre l’instruction agronomique. Ils dressent une liste de travaux à effectuer telle que l’exécution, au dire du rapporteur, en pourrait remplir au moins un siècle.

On peut constater aussi dans cette Enquête une préoccupation de relever la dignité des cultivateurs. Plusieurs de ceux qui parlent en leur nom imaginent pour cela de curieux moyens. Ils demandent que, pour honorer l’agriculture, on crée une fête annuelle des laboureurs et une décoration qui leur soit réservée ; que, pour l’encourager, on multiplie les concours, les primes, les récompenses, les hospices où seront recueillis les invalides du travail agricole, et des écrits, voire même des tournées de prédicateurs, chargés de faire ressortir la grandeur et la beauté de la vie champêtre.

Dans le dossier conservé aux Archives de la Chambre les pièces où sont énumérées ces demandes des paysans manquent fréquemment. Une note annonce alors qu’elles ont été réclamées par le ministre compétent, preuve qu’on y attachait une grande et légitime importance, La Constituante fit montre à cet égard d’une ferveur méritoire : proposition de créer un Ministère spécial de l’agriculture, projet d’organiser une représentation des intérêts agricoles, projet qui aboutit à la Législative, le 20 Mars 1851, en instituant des Comices, une Chambre d’agriculture par département et un Conseil général de l’agriculture siégeant à Paris. Un homme se distingua surtout par son initiative : ce fut Tourret, durant son ministère. Il fit voter un plan grandiose d’enseignement agronomique (3 octobre 1848), On devait fonder par département une ferme-école, dont l’enseignement serait élémentaire et pratique ; au-dessus, des écoles régionales dont le nombre était à déterminer ; et, au sommet, un Institut national agronomique qui devait être établi à Versailles et devenir comme l’École Normale supérieure de l’agriculture. Des