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repos hebdomadaire inscrite dans la loi. Montalembert fit un rapport favorable (10 Décembre 1850) ; mais la loi ne fut pas discutée. Seulement des circulaires ministérielles (20 Mars 1849 - 10 Novembre 1851 ordonnent que tous les travaux publics seraient suspendus le Dimanche, afin de manifester « le respect traditionnel qui s’est de tout temps attaché au jour consacré par les lois religieuses au repos, au culte et à la famille. »

Il y avait là plus de déférence pour l’Église que de sympathie pour les ouvriers. On peut en juger par la mauvaise observation de la loi des douze heures. Plaintes et menaces de grève abondèrent ; les contraventions furent punies de façon dérisoire, parfois d’un franc d’amende ; très rarement les sociétés ouvrières se trouvèrent assez fortes pour imposer le respect des règlements. En mai 1851, de nombreuses exceptions furent encore apportées par décret à l’article 1er  de la loi du 9 Septembre 1848. Malgré tout il sied de saluer cette date au passage. Elle est le point de départ de toute la législation qui depuis lors, en France et ailleurs, s’élabore pour assurer à la classe ouvrière le droit au loisir.

Lois protectrices des femmes et des apprentis. — D’autres pas furent faits dans la même voie, d’abord en faveur des femmes et des enfants.

Les enfants étaient protégés par une loi votée en 1841. Les femmes avaient été laissées de côté. Wolowski, qui ne voulait pas qu’on protégeât les hommes, sous prétexte qu’ils étaient assez forts pour se protéger eux-mêmes, fut plus généreux à l’égard des femmes. Il proposa au Comité du travail une série de mesures destinées à les défendre contre l’exploitation trop dure qu’on leur infligeait. Un projet de loi fut déposé par lui à la Constituante. Mais, bien qu’appuyé par les Conseils généraux et par le Conseil général des manufactures, il ne fut jamais discuté ; il resta au nombre de ces bonnes intentions dont le Palais Bourbon est pavé, comme l’enfer.

Les enfants étaient compris dans le même projet de loi. Au Comité du travail, Wolowski avait demandé que l’âge légal pour leur admission dans les usines fût porté de 8 à 9 ans, et le Comité, plus large, l’avait reculé jusqu’à 10. L’un de ses membres, Dubois, avait proposé que, pour être admis, le petit travailleur eût 12 ans au moins et sût lire et écrire. Mais il eut pour adversaire Falloux. Selon celui-ci, l’enfant est mieux à l’atelier que dans sa famille et, quant à l’obligation de savoir lire et écrire pour y entrer, il s’y oppose, « parce qu’il ne comprend pas qu’on puisse interdire à un individu de travailler, sous prétexte qu’il n’a pas reçu de culture intellectuelle. » On ne saurait rêver plus doucereuse tentative pour justifier l’oppression au nom de la liberté. Un autre représentant avait demandé de quel droit l’on empêchait le père de famille de tirer parti du travail de ses enfants. Le Comité avait quand même adopté pour les enfants l’obligation de fréquenter une école,