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ment de son autorité. Le Conseil d’encouragement publia pour les associations un modèle de statuts. Il les invitait (et cette invitation, émanant d’hommes qui disposaient des fonds, ressemblait fort à un ordre) à prendre la forme légale et fort gênante de sociétés en nom collectif ; à se constituer pour vingt ans au moins et quatre-vingt-dix-neuf au plus ; à donner au gérant des pouvoirs très étendus qui reconstituaient à peu près l’autorité patronale. Il n’était plus question de salaires égaux ni de bénéfices répartis également. En revanche ces statuts-type prévoyaient que les associations, en étendant leurs affaires, auraient besoin de salariés. Ces auxiliaires devaient toucher au bout de l’année une part d’intérêt ; mais ils devaient s’en rapporter à l’inventaire qu’ils n’auraient pas le droit de contester, restriction qui a toujours été le principal obstacle à la participation aux bénéfices : plus tard, après un stage plus ou moins long, ils seraient élevés au rang de sociétaires. Il ne restait guère de la conception primitive que l’obligation d’employer 10 0/0 des bénéfices à former un fonds inaliénable, qui, en cas de dissolution, reviendrait à l’État pour être utilisé au profit de quelque œuvre sociale. Chose grave ! Les règlements d’intérieur, de travail, d’atelier, les modifications de statuts qui ne pouvaient porter que sur certains articles, devaient être communiqués d’avance au ministre.

Si encore les travaux publics promis avaient été concédés aux associations constituées ! Mais, outre qu’ils étaient réduits à des travaux de terrassement ou de construction jusqu’à concurrence de 20.000 francs, les ingénieurs de l’État n’aimaient point ces unions de travailleurs qu’ils trouvaient difficiles à conduire. On ne voit point qu’il ait été donné suite aux pétitions qui furent adressées au Comité des travaux publics par les habitants de Blanzy pour exploiter les mines de houille de leur territoire et par les entrepreneurs et maîtres ouvriers de Dijon pour que l’État reprît les chemins de fer et leur distribuât les travaux par spécialités. Le décret du 15 juillet 1848 fut peu appliqué. On ne peut guère citer que l’Association des paveurs de Paris, qui en ait profité à l’avantage de la ville et au sien propre. Lorsqu’un an plus tard, à la Législative, Martin Nadaud, bien placé pour cette proposition, puisqu’il était membre de la très prospère Association des maçons, demanda, en compagnie de deux autres représentants, que toutes les administrations publiques fussent autorisées à traiter de gré à gré avec les Associations pour tous les travaux n’excédant pas 30.000 francs, il n’obtint qu’un refus formel. Cependant les candidats à la subvention furent nombreux. Il ne faut pas s’en étonner. Des directeurs d’établissements privés, de grandes sociétés patronales faisaient alors appel aux largesses de l’État. Les demandes, pour avoir part aux trois millions votés furent plus de 500 en 1848, plus de 100 en 1849. Il aurait fallu trente millions pour y répondre, On se contenta de répartir une somme de 2.590.500 francs entre 56 Sociétés, appartenant à peu près également (30 contre 26) à Paris et à la province. Beaucoup étaient mixtes et