Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/117

Cette page a été validée par deux contributeurs.

chef, peut mettre 4.000 hommes sur pied, si les Mayençais, ses sujets, sont assez sots pour en vouloir faire la dépense ; Son Altesse Sérénissime Monseigneur l’évêque de Trêves, qui peut fournir une armée de 7.000 hommes (Rires.) en y comprenant les troupes auxiliaires de Monseigneur le prince de Neuwied, son voisin ; Son Altesse Sérénissime et Éminentissime Monseigneur Louis-René-Edouard, cardinal de Rohan, qui, abstraction faite de 600 ou 700 brigands qu’il a l’honneur de commander en chef (Rires et applaudissements.) peut mettre sur pied une armée de 50 hommes, tous gens d’élite (Rires) ; car c’est à 50 hommes que se réduit tout au plus le contingent que les lois de l’Empire lui accordent.

« Ce ne sera donc pas, Messieurs, à des hordes barbares, mais à des soldats de l’Église teutonique, tous amplement munis de chapelets et de bénédictions, fort doux, au reste, et gens de très bonne composition que vous aurez à faire, quand Louis-Joseph de Bourbon, à la tête de tous ses chevaliers errants, viendra fondre sur vous et fera marcher devant lui la mort et le carnage. Mais, quoique j’aie lieu de supposer. Messieurs, que vous ne sauriez être fort effrayés de l’orage dont vous êtes menacés et que vous ne croyez pas assez fort pour obscurcir la sérénité du beau ciel qui vous éclaire, il n’en est pas moins vrai qu’il serait indigne de la majorité d’une grande nation comme la nôtre de souffrir plus longtemps ce feu d’opéra dont la fumée nous incommode (Applaudissements) et de nous laisser impunément injurier par d’affreux baladins, dont l’insolence mérite le fouet. Un simple particulier peut opposer le mépris aux forfanteries d’un spadassin, mais une grande nation doit être jalouse de sa gloire, doit punir sévèrement les téméraires qui osent lui manquer de respect, doit anéantir dans son principe le moindre germe d’opposition à sa volonté suprême, dès que cette volonté a été solennellement dénoncée à la face de l’univers, dès qu’elle a été légitimement manifestée à tous les individus qui la composent.

« Ne vous méprenez pas, Messieurs, au sommeil apparent des despotes qui vous entourent : c’est le sommeil du lion qui guette sa proie et qui s’élance sur elle dès qu’il croit qu’elle ne pourra plus échapper à ses griffes, ni à sa dent carnassière. Ce Léopold qu’on vous a peint si pacifique, dont les ordres ostensibles sont si contraires aux applaudissements de nos émigrés, mais dont les ordres secrets vous sont inconnus, ce Léopold ne vous pardonnera jamais d’avoir mis en pratique le principe que les rois sont faits pour les peuples et que les peuples ne sont pas la propriété des rois. » (Applaudissements).

Avec quelle légèreté, avec quelle témérité Rühl suppose ici à l’Empereur l’Autriche un plan secret d’agression ! Par les correspondances non plus seulement ostensibles, mais secrètes, que j’ai citées, nous savons au contraire qu’il était haï des émigrés, qu’il ne voulait pas s’engager dans la lutte et qu’il réduisait sa sœur Marie-Antoinette au désespoir. Ce sont ces suppositions