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MOISSON DE SOUVENIRS

peu souffrante, personne ne vint pour moi, de Saint-Claude ni de Montréal et le lendemain, je mettais la dernière main à ma valise, quand on m’appela au parloir. C’était marraine qui m’offrait de l’accompagner à la Salle académique du collège, mon oncle étant pris par un client. Je courus avertir et en mettant mon chapeau, je constatai avec satisfaction, qu’au moins, j’étais chic, grâce à ma chère cousine de Boston. À part le chapeau, tout me venait d’elle : mes bas et mes fins souliers bruns, mes beaux rubans de cheveux, pompadour, ma jolie robe vert d’eau, garnie d’une dentelle passe-ruban, elle-même enfilée d’un velours noir ; comme les manches bouffaient bien au-dessus du coude et que le corsage était largement décolleté, je la combinais avec une chemisette de mousseline blanche, à manches longues, celle-ci. En vérité, j’étais très chic.

Tout Maricourt se rendait à la Salle académique et tante saluait à chaque instant ; moi-même, je reconnaissais beaucoup de monde. Tante avait ses billets de sièges réservés et bientôt, il ne resta plus une seule place libre. Les écoliers entrèrent et montèrent à la galerie supérieure où leur conversation forma bientôt une voix dure, formidable et d’une vélocité extrême. Mais l’orchestre, magiquement, effaça tout ; j’écoutais avec le ravissement de ma joie, mais que j’avais hâte à la distribution proprement dite et surtout d’entendre appeler la classe de Versification : Jean et Gonzague en étaient.

Enfin, un prêtre s’approcha du cahier posé sur un lutrin, et l’ouvrant, comme s’il allait lire