Page:Jarret - Moisson de souvenirs, 1919.djvu/87

Cette page a été validée par deux contributeurs.
89
ADOLESCENCE

retenu — que je connaissais ! Sous l’image, deux méchants vers :

Plus de sous ! Nous pouvions avec,
Avoir meilleur que du pain sec.

Le doute devenait impossible : Jean avait choisi ces cartes, de propos délibéré et mal préparée à ces émotions, après être demeurée figée quelques minutes, je soupirai et sortant mon mouchoir, je pleurai convulsivement.

Le soir même, je répondais à Jean, en lui annonçant mon retour prochain ; mais quand cousine se fut éloignée, après avoir beaucoup hésité, j’ajoutai ceci en post-scriptum :

« Tes deux dernières cartes étaient bien jolies. J’ai trouvé que le petit garçon avait ton air, quand tu étais petit. »

Le surlendemain, nouveau message de Jean : une lettre, par laquelle il me conseillait de ne pas parler de notre échange de cartes, ni à chez nous, ni à grand’mère. — « On trouverait, disait-il, que c’est du gaspillage, mais moi, j’aime mieux mettre mon argent à cela qu’à autre chose. » Je ne fus pas dupe : d’après mes propres sentiments, je comprenais que Jean redoutait plutôt d’être mal compris.

Jean n’était pas chez lui, le jour de la rentrée, mais en grande fille, je m’informai de sa santé. Tante assura que sa santé était bonne, mais qu’il avait terriblement grillé.

— Un vrai sauvage, assura-t-elle en riant.