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ADOLESCENCE
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— Ce ne peut être que lui, affirmait Flore, car la petite fille est bonne, je la connais. Le bon Dieu, sans doute, permet qu’elle soit éprouvée.

Les draps s’arrachaient de son lit, les chaises se déplaçaient, des objets qui étaient sur le chiffonnier, allaient d’eux-mêmes se nicher dans les coins et par moments, la petite fille entendait comme un bruit de chaînes, autour de sa chambre. On ne parlait plus que de ces choses au village.

Cette histoire donna le branle et chacune s’empressa de raconter ce qu’elle savait de revenants importuns, de maisons hantées, d’hommes sans foi ni loi, qui tournaient en loups-garous, au bout de la septième année passée sans confession. J’écoutais, victime d’un besoin maladif et pourtant, quel ravage en moi-même ! Certes, il ne fallait pas risquer de tourner en loup-garou, mais il n’était guère plus prudent de se conserver trop pieux. Le bon Dieu éprouve ses saints ; Flore l’avait remarqué et avec terreur, je me demandais si je n’étais pas un peu sainte ? Ma ferveur ne s’était pas démentie depuis ma première communion ; je communiais avec enthousiasme et l’on s’accordait à me déclarer une bonne enfant. Certes, je ne demandais pas mieux que de continuer à me maintenir en cet état, mais à la condition que le diable ne vînt pas s’en mêler. Autrement, je ne répondais plus de rien.

Au dortoir, les lumières fermées, je souffris des peurs inénarrables. J’étais convaincue que mon lit s’ébranlait et il me semblait entendre du bruit, dans la direction de mon chiffonnier. Je désirais le sommeil et en même temps, je le redoutais. Si, le lendemain, j’allais