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MOISSON DE SOUVENIRS

Flore d’aller y voir à son tour. Celle-ci, revint presqu’aussitôt et modestement gentille :

— Dix heures et cinq minutes, fit-elle.

Et comme elle était vraiment charmante, elle me souffla :

— Tu avais pris la petite aiguille pour la grande.

C’est égal. À partir de cette époque, à la moindre velléité, je tremblais qu’on ne m’envoyât voir l’heure. Et si ce désastre m’arrivait, à moins que je n’eusse la chance de faire vérifier, ma vue se troublait, je calculais trop et finalement, je me trompais.

Une autre misère dont j’ai oublié l’origine : il m’était impossible d’ouvrir une porte avec une clé. La clé s’entêtait à ne pas vouloir tourner, tandis que je l’enfonçais, que je la retirais un peu, que j’essayais encore, avec la terreur de mêler la serrure. Invariablement, je revenais bredouille et une élève était chargée de m’accompagner, une de celles que je fuyais d’instinct, une espiègle, une taquine, une rieuse qui pensait tout haut ; sous son geste adroit, clic ! c’était fait et la porte s’ouvrait toute grande, comme dans les contes de fées. Pour moi, on me déclarait gauche, si gauche. J’avais garde de protester.

Toute timide que j’étais, il ne m’en coûtait pas du tout, cependant, de paraître en public, pourvu que mon rôle fût tracé à l’avance. Aussi, étais-je de toutes les séances, de toutes celles, du moins, où il fallait une petite fille à face ronde et à voix menue. Un jour, je dus représenter une petite châtelaine que sa gouvernante, dame Mahaut, quitte pour quelques moments. Le diable survient, obtient qu’elle