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ADOLESCENCE

et accepté des félicitations. Si l’orgueil m’aida à conserver mon flegme, mes joues n’en demeurèrent pas moins brûlantes toute la journée ; mère Sainte-Sabine, d’humeur plutôt grave, à l’ordinaire, pourtant, me taquina beaucoup, tandis que je faisais l’impossible pour paraître naturelle et détachée, afin que les élèves, au moins, ne se doutassent pas de ma déconvenue ; mais il me semblait vivre un cauchemar et ma voix devait paraître factice.

Mes énergies mobilisées n’empêchèrent pas la catastrophe et vers la fin de l’après-midi, comme j’ouvrais mon pupitre pour y prendre un livre, les larmes me surprirent. De la main droite, je cherchai mon mouchoir, tandis que la gauche maintenait soulevé, le couvercle du pupitre. Quand, en classe, les petites filles veulent manquer au silence, ou qu’elles ont un gros chagrin à passer, elles s’abritent toujours sous le couvercle de leur pupitre. Je sentis bientôt qu’on s’occupait de moi ; il y eut des chuchotements, puis une petite risqua :

— Elle pleure, mère…

— Laissez-la faire, répondit tranquillement notre maîtresse.

Mais dans son ton, encore, je crus discerner une sorte d’amusement. Lorsqu’elle eut fini de faire réciter la troisième division, elle descendit de sa tribune, vint à moi et me prenant par le chignon du cou :

— C’est assez, assura-t-elle en riant. Marcelle, je vous défends de pleurer davantage ! Je suis donc bien mauvaise, bien haïssable que vous ayez tant hâte de me quitter ?