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MOISSON DE SOUVENIRS

aboutir à la porte des élèves ; les surveillantes de la récréation s’y promènent, ordinairement. Ce soir, c’est mère Saint-Robert qui surveille, avec une autre religieuse que je n’ai jamais vue. J’arrive au trottoir, comme elles allaient passer ; j’arrête, mère Saint-Robert saisit à poignée ce qu’elle peut, de mes cheveux courts et dit à sa compagne :

— Encore une petite Américaine. Elles sont venues trois sœurs d’abord, puis deux et maintenant, la voici seule.

— C’est la plus jeune, je suppose ?

— Oui, elle est même beaucoup plus jeune que les deux autres.

— La plus jeune, cela veut dire un peu gâtée ?

— Non, répondit gravement mère Saint-Robert, non, elle est bien raisonnable ; c’est une bonne enfant.

Et après m’avoir souri, elles poursuivirent leur promenade. Avec empressement, je m’informai de cette nouvelle religieuse. Elle se nommait mère Saint-Blaise, me dit-on, et serait chargée de la seconde division de musique. Elle avait un air doux, posé, une distinction attirante dans ses moindres gestes ; grande, belle comme une madone, de parfaits beaux yeux bruns, de la même teinte que ses cheveux dont on distinguait une pointe, sous la cornette relevée des Dames de la Congrégation. Désormais, lorsqu’il m’arriva de la rencontrer, au hasard des corridors, elle me salua toujours d’un charmant sourire.

On ne me jugea pas assez forte pour monter de classe et j’en demeurai d’autant plus humiliée que j’avais déjà annoncé la chose comme certaine