Page:Jarret - Moisson de souvenirs, 1919.djvu/36

Cette page a été validée par deux contributeurs.
38
MOISSON DE SOUVENIRS

Est-ce la fleur ? disait-il. Est-ce la bise ? Est-ce l’étoile qui gravite en un sillon mouvant ? Est-ce ceci ? Est-ce cela ?

J’étais suspendue à ses lèvres. Quelles choses racontait-il là ? Délicieusement confuses à mon esprit, si claires en même temps pour mon être intime. Chaque mot m’emportait, me laissait une ivresse de rêve.

Et tout à coup, Jean cessa d’interroger et secouant la tête, mélancolique, il se répondit à lui-même.

Mon enfant, ce qui passe le plus vite,
Ce sont hélas ! les jours heureux.

Thérèse m’avait enlevé mon tablier et après m’avoir soufflé à l’oreille : « T’en souviens-tu ? » sur ma réponse affirmative, elle me poussa bientôt à la place qu’avait quittée Jean. Je commençai beaucoup trop vite, ce qui fit que je dus ensuite m’arrêter au milieu d’un mot pour respirer. Mais personne ne me le reprocha et encouragée par les sourires, je racontai l’histoire d’une petite fille qui avait reçu de si belles étrennes ! Mais tout à coup sa bonne la trouve qui pleure. — Que vois-je ? lui crie-t-elle. De la pluie ?

Et l’on pleure au milieu de tades gémissements ?
Et l’on pleure au milieu de tant d’amusements ?
Ah ! dit l’enfant, toujours s’amuser, ça m’ennuie !
Ah ! dit l’eSans labeur, court bonheur.

— C’est cela, assura grand-père. Si c’était tous les jours fête, on finirait par s’ennuyer.