de temps, sans pouvoir nous décider d’en demander. Ce devait être la loi naturelle écrite dans nos cœurs, qui nous retenait. Pour les grandes personnes, la bienséance suffisait : car il eût été vraiment dommage d’entamer, par pure gourmandise, cette pièce superbe, l’ornement de la table.
Gavés comme de jeunes gourmands que nous étions, notre bien-être commença de se manifester à la manière ordinaire des enfants, par un peu de tapage, beaucoup de dissipation ; d’ailleurs, Amanda et ses plus proches voisins en faisaient autant. Pour les intriguer, nous nous contions des drôleries, entre haut et bas, et s’ils nous demandaient :
— Qu’est-ce que vous dites, donc, vous autres ?
Pour toute réponse, nous pouffions de rire. Mais il faut croire que notre plaisir prenait des proportions inquiétantes, car tout à coup marraine appela Jean, du doigt. Il obéit en rougissant, mais tante lui dit seulement, en lui posant sa jolie main sur l’épaule :
— Va montrer tes étrennes à Marcelle, dans le salon. Mais ne dérangez rien.
Quelle joie ! Je savais déjà que Jean avait reçu trois objets en cadeaux : un fusil à balle de caoutchouc, une boîte de blocs sculptés et une affaire qu’on tournait et qui montrait de belles choses en couleurs. Le fusil me laissait indifférente ; les blocs m’attiraient ; mais l’affaire surtout, piquait ma curiosité.
Avant de me rendre au salon, je courus chercher ma poupée qui dormait toujours dans son berceau ; il était plus que temps de l’éveiller : je l’assis sur mes genoux et ce fut fait. En premier lieu, Jean