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MOISSON DE SOUVENIRS

rencontre sur le perron de l’église de Maricourt, avec la famille de Jean ; davantage, le retour à la maison. Un brouhaha joyeux, les vêtements de sortie qui s’enlèvent et comme par enchantement, vont s’étendre sur les chaises de la chambre et même sur le lit. Je me retrouve en robe saumon ; Jean m’apparaît, gracieux, vêtu de velours noir avec un col blanc garni de guipure. Le bébé crie. Tante Louise s’éloigne de quelques pas et ne se croyant pas observée, essuie une larme.

Pendant que chacun s’empresse et se raconte ainsi, le temps a fui. Voici qu’il est grandement l’heure de se mettre à table. Grand’mère en fait la remarque et dit que « si nous voulons approcher… » Elle désigne elle-même la place de chacun, mais crânement, Jean échange la sienne avec mon frère Albert et nous voici réunis. Tante Louise, qui n’oubliait jamais mon tablier à manches, me l’apporte encore une fois et du même coup, elle attache une grande serviette au cou de Jean. Nous attendions avec impatience d’être servis ; puis, nous nous montrions l’un à l’autre, les morceaux qui nous avaient échu, risquant parfois un échange, avec un long hum ! étonné, quand une goutte de sauce venait à choir sur la nappe ; en dégustant, nous nous communiquions aussi nos impressions. Si quelque chose me faisait envie de loin, Jean qui avait une assurance d’enfant gâté, et dont la voix portait bien, le demandait pour moi.

Cependant, il y avait un certain gâteau de plusieurs étages, garni à chaque palier, de dés de chocolat — nous disions des capuchons — dont nous eûmes une envie folle, pendant je ne sais combien