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ÉPILOGUE



La neige fond, l’hiver s’en va et bientôt, j’apprendrai notre secret à mes parents. Nous quitterons le monde, à peu près ensemble, Jean et moi et à mon tour, je puis dire que je me sens calme, délivrée comme si j’avais rejeté un rôle, fatigant. Bien près d’être heureuse, je le sens aussi… Seulement, fragile, j’évite d’appuyer sur mes pensées et pour me préserver davantage, je me suis imposé cette moisson parmi nos jeunes souvenirs. Jean me dit que je fais bien.

Je dois lui remettre mon travail, lorsqu’il sera terminé. Jean remaniera, changera les noms et répandra ces pages où nous sommes nommés bien souvent. Comme lui, plus elles seront connues, profanées par les curiosités, plus je souffrirai et plus je serai contente. Je n’apporte aucun présent à mon Dieu. Hélas ! mon âme est pour ainsi dire, vide de lui. Je n’ai jamais voulu le chasser ; je l’ai adoré fidèlement ; quand l’ai-je aimé ? Aussi, désirai-je me présenter à lui sous la livrée du pauvre. Je n’aurai même pas, vierges au fond de moi-même, des souvenirs chantants ou mélancoliques, dans lesquels je serais tentée de me complaire. Mais aussi, Jean ni moi, nous n’aurons plus à en redouter le vertige.