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MOISSON DE SOUVENIRS

à coup, et comme bien des années auparavant, Jean suppliait :

— Ne pleure pas, Marcelle ! Tu sais bien que je ne pourrais pas… Puisque je suis heureux.

Les Fêtes terminées et de nouveau séparée de Jean, j’essayai, bien en vain, de mes distractions ordinaires : dessin, lectures, sorties. Le dégoût m’étouffait et le vide, cet affreux ennui, toujours si redouté, me menaça de nouveau, uni à une noire tristesse. « Que vais-je devenir ? » me répétais-je avec désespoir et ne voyant de secours nulle part. Un matin, après une nuit de torture, je songeai enfin au conseil de Jean et partis pour Saint-Claude.

Sur la fin de l’après-midi, comme le jour allait tomber, me trouvant seule avec grand’mère, je la regardai longtemps ; sous ses cheveux à peine plus gris, elle était demeurée si droite, si énergique et lucide, tandis que grand-père s’en allait visiblement.

— Grand’mère, lui dis-je, je voudrais que vous me parliez de Jean.

Sans paraître étonnée, comme si ma demande était attendue, elle me conta aussitôt une histoire très simple, comme en savent toutes les grand’mères.

— Jean, me dit-elle, est un prédestiné. Tout petit, sa mère ne l’a-t-elle pas trouvé en larmes et qui disait : « Je voudrais mour pour aller au ciel ». Il l’a toujours gardée, la nostalgie du ciel. Et cette foi hardie des purs ! et cette ferveur d’ange dès qu’il joignait les mains ! Non, je ne pense pas que cet enfant ait jamais prié légèrement. Tu crois l’aimer et tu le connais à peine, puisque tu n’as pu