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JEUNESSE

s’inclina de mon côté et à voix retenue, ne voulant pas couvrir la frêle musique :

— Marcelle, fit-il, je n’espérais pas être si heureux, car c’est dans l’intention de te dire un mot, à toi seule, que je suis venu.

Quel mot ? Jean était grave dans sa douceur et assez ému pour que je pusse deviner vaguement. Mais, comme frappée d’impuissance, je demeurai muette et craintive. Jean sourit et la nervosité de son sourire me fit mal.

— Depuis si longtemps, commença-t-il.

Lydia interrogeait encore :

— Est-ce que c’est beau ?

— Oui, oui, répondit-il, avec tant de bonté ! Continue…

Mais elle demeura tournée vers lui et elle ajouta :

— Ce serait bien plus beau, cousin, si tu voulais chanter en même temps.

— Vraiment ? fit-il. Si Marcelle permet…

Déconcertée, je balbutiai que j’en serais très heureuse.

Alors, il se leva et se rendit immédiatement auprès du piano. Sans plus me regarder, entre haut et bas, probablement dans la crainte puérile, de réveiller Victor, il commença :

Dans cette étable…

Étonnée, saisie, voici que je retrouvais dans sa voix actuelle, beaucoup de sa voix d’enfant. C’était la même ferveur pure, émouvante à l’excès, plus encore aujourd’hui qu’alors, parce qu’il s’y mêlait quelque chose de profondément humain qui