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MOISSON DE SOUVENIRS
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surtout… M’étais-je déguisée en vieillissant ? Il est si difficile, de se juger soi-même.

Autrefois, dans mes rêves, ou dans mes lectures, lorsque je me substituais à l’héroïne, je ne prisais rien tant que de m’imaginer très laide, en même temps que très malheureuse : pour moi, c’était là, le comble de la poésie sentimentale. Seulement, depuis peu, ma volte-face avait été complète et maintenant, rien ne m’aurait comblée comme de me savoir belle, autant que les princesses de légendes. À peine, me disais-je, de vivre au fond des bois…

En tous cas, si nous nous ressemblions de figure, un abîme n’en demeurait pas moins, entre mon frérot et moi. Sans hardiesse aucune, facilement intimidé et alors, rougissant comme une fillette, Victor, cette impression fugitive, évanouie, retournait à un calme déconcertant qui me faisait croire qu’il avait dû hériter de la très sage sensibilité d’Amanda.

— C’est parce que c’est un petit garçon, m’expliquait maman. Victor sera un homme.

Alors, sans rien dire, moi, je songeais à certain petit garçon que j’avais connu ; il est vrai que je ne savais pas ce qu’il deviendrait, une fois homme.

Un jour que je cousais, près de maman, Victor arriva en courant.

E messieu Saint-Maïce, fit-il précipitamment, en son langage enfantin. I mande si Abert a pati en tomobile ?

— Oui, répondit maman. Va lui dire que oui.

Mais il désirait davantage, sans doute et la tirait par sa robe. Alors, n’ayant rien compris pour le