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ENFANCE

petite fille ! » Je me rendormis, je crois et puis, je sentis qu’on essayait de me faire tenir debout ; mais mes jambes étaient de laine et je n’avais pas plus de consistance que ma robe elle-même. « Hop ! Hop ! » disait grand’mère, mais je m’affaissais toujours ainsi qu’une fleur alanguie. Alors, riant tout bas, indulgente, touchée, elle me prit sur elle et m’habilla comme si j’eusse été un tout jeune bébé. Et elle disait : « C’est Noël. Nous allons tous partir pour la messe et la maison sera fermée à clé. Tu ne voudrais pas rester seule dans la maison ? »

La Messe de minuit ? La Fête enfin arrivée ? Oh ! j’aurais renoncé à tout de grand cœur pour me sentir de nouveau étendue entre mes draps tièdes et la tête sur l’oreiller moelleux, retourner au doux et chaud sommeil. Grand’mère murmurait toujours : « Nous ne reviendrons pas ici avant demain, car nous allons réveillonner à Maricourt, chez oncle Ambroise. Il ne faudrait pas que la petite fille restât seule ici. Qu’est-ce qu’on dirait ? »

Ma toilette terminée, enfin sortie de ma torpeur et la main dans celle de grand’mère, je me dirigeai vers l’escalier. Jean nous y attendait, la figure pâle et toute chiffonnée. Lui non plus n’avait pas envie de parler et en bas, on éclata de rire en nous voyant. Il y avait, en effet, plusieurs personnes en visite et grand’mère expliqua notre parenté. Tante revêtait la pelisse de fourrure que lui présentait son ami galant et un vieux à barbe grise, offrit de me prendre dans son « berlot ». Il eut grand soin de moi et se penchait à tout moment pour me demander : « As-tu froid, la petite ? »