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ADOLESCENCE

— Marcelle, ordonna-t-elle, faites-moi un beau sourire, là, tout de suite, que je vous reconnaisse !

Au contraire, ce fut une grimace qui tordit mes lèvres, tandis que des larmes pointaient à mes cils.

— Qu’elle est enfant ! s’écria mère Saint-Blaise, de nouveau penchée sur moi. Ah ! qu’elle est enfant ! Comme vous rirez de vous, plus tard. Et dire que je voulais aussi vous offrir des leçons de dessin : un cher vieil artiste que je connais à Montréal…

Quel pouvait être son but, en insistant ? Elle s’attira cette réponse stupide — au moins :

— Je ne veux rien.

Cette fois, elle se tut et après m’avoir regardée longuement, elle murmura enfin :

— Puisque je vous ai déplu, pardonnez-moi, petite Marcelle et que tout soit oublié. Mais je me reproche de n’avoir pas plus tôt découvert cet orgueil, chez vous. Allons, je vous reverrai avant votre départ ?

Je ne sais pas ce que je répondis, mais réfugiée dans la salle d’étude, je sanglotai longtemps, à fendre l’âme, sans songer à enlever mes gants ni mon chapeau. Au retour de la promenade, quelques élèves remarquèrent mes yeux rouges. Oh ! que je me sentais sotte et malheureuse.

Je mis beaucoup de temps à m’endormir et m’éveillai tôt, le lendemain ; en me regardant dans mon petit miroir à cadre cannelé, je me vis toute pâle et comme nous défilions dans l’allée, après la messe, j’aperçus mère Saint-Blaise assise vis-à-vis de son prie-Dieu, en arrière de nos bancs ; elle lisait pieusement, avec sur son beau visage de madone, la