Page:Jarret - Moisson de souvenirs, 1919.djvu/104

Cette page a été validée par deux contributeurs.
106
MOISSON DE SOUVENIRS

dorés et tout mignons. Elle m’assura qu’ils jouaient, il n’y avait rien de mieux et les rangeant sur le banc, à côté de moi, elle s’agenouilla sans précaution sur le sol, et avec entrain, commença à faire ses un ; puis, elle me dit que c’était mon tour. N’osant la repousser tout à fait, je pris le parti de jouer très mollement, en affectant une distraction outrée. Comme je m’y attendais, elle protesta, assura que je le faisais exprès, et finalement, devant mon obstinée mauvaise volonté, elle ramassa ses osselets avec dépit et jura de ne plus jamais me revenir. Par la suite, je m’empressais de lui sourire, quand je la rencontrais, mais détournant la tête, elle faisait semblant d’être très fâchée.

Le dernier dimanche, j’avais déjà mis mes gants et mon chapeau pour la promenade et je m’occupais à renouer mon ruban blanc d’Enfant de Marie, quand, m’appelant au bout du passage, mère Saint-Blaise me demanda si je tenais beaucoup à la promenade. Je lui assurai que non.

— Rendez-vous donc à l’atelier, me dit-elle alors ; je vous y rejoindrai dans un instant.

Ce que je fis, tandis qu’elle expliquait mon absence à la religieuse chargée des élèves. De l’atelier, j’entendis bientôt ces dernières descendre l’escalier en silence, leurs fins souliers du dimanche étant seuls à jaser.

— Venez, Marcelle, me dit tout à coup mère Saint-Blaise.

Je la suivis, dans le parterre, paradis défendu aux élèves. On n’avait pas encore tondu le gazon et les fleurs embaumaient sous l’ombre des arbres. Comme un visiteur extasié, blanc et immobile sur