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ADOLESCENCE

rues pour nos promenades, et puis, le soleil plus fort, les grands vents qui séchaient la terre et poussaient les nuages, dans le ciel très bleu. Un beau jour, l’homme enleva les châssis-doubles et réinstalla les jalousies qui amenaient une ombre de verdure, dans les classes. Le soleil se faisait plus ardent, les bourgeons éclataient, l’herbe renaissait à vue d’œil et tous les soirs, nous assistions au mois de Marie.

Le désespoir, sans doute, me poussait à sortir de moi-même, car je n’ai jamais tant joué que durant ce mois de mai, le dernier de ma vie écolière. Une fillette de la deuxième classe, mal douée pour l’étude, mais toute simple et si vivante ! s’était prise d’amitié pour moi et nous passions presque toutes nos récréations à sauter à la corde ou à jouer à la balle. Et j’y mettais une ardeur frénétique qui l’étonnait joyeusement.

Avec juin, la prière reprit avant le souper, ce qui allongeait la récréation du soir. Je délaissai cette petite amie qui aimait tant à jouer, et traînant les bancs, je passais mes récréations à causer, à rêver surtout. De la cour, nous distinguions fort bien le pignon de la maison de Jean, au-dessus de la mer feuillue des arbres ; il portait un mât et je le connaissais par cœur, l’ayant si souvent regardé. J’allais donc bientôt quitter le pays de Jean et non pas pour quelques mois, mais pour toujours, cette fois. C’était aussi sot qu’insupportable, cette souffrance, puisque, proches, nous ne nous voyions pas davantage, mon cousin et moi.

Ma petite amie, ne voulant pas contrarier mon affection pour les bancs, vint un jour me rejoindre sur l’un d’eux, avec un jeu d’osselets en fer, encore