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sais pas comme cela coûte cher d’être maman quand on est pauvre ! »…

D’autres fois Marie-Anne s’informait : « C’est bien laid, bien désert ici, tu ne t’ennuies pas ?… » Je dus conclure de ces paroles, que Marie-Anne ne me connaissait pas bien. La petite vie simple et laborieuse que je menais depuis mon arrivée me faisait à l’âme le même effet que l’air très sain de la campagne aux poumons : je me sentais le cœur large, large à pouvoir contenir l’univers, je riais et chantais tout le long du jour, et le soir seulement, en me mettant au lit, je constatais que mes membres étaient lourds de bonne fatigue.

Je te dis, petit journal, qu’ils seront parmi les plus beaux jours de ma vie ceux que j’ai passés là, dans la petite maison basse, seulette au milieu des champs et des prés que l’automne envahissait sournoisement. J’ai toujours tant aimé l’automne ! Chez Marie-Anne, je l’ai trouvé délicieux, quoique je fusse venue un peu tard, paraît-il. Le ciel gris où les nuages faisaient des houles, les arbres qui semaient leurs feuilles, la lumière indécise, l’air trop calme, le sol dur qui résonnait sous les pieds avec un bruit mat, tout cela m’ensorce-