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LES LILAS

tions quotidiennes et écoutant leurs réponses avec ravissement. — « Si seulement j’avais la vocation, disait-elle quelquefois, avec des larmes de désespoir dans les yeux, mais voilà, même par obéissance, je serais incapable de me plier à cette vie austère. Je suis trop gâtée. » Un jour elle ajouta, avec un sourire mélancolique et railleur pour elle-même : — « Ce qu’il me faudrait, ce serait d’être une personne âgée, ayant eu des malheurs et qui se serait réfugiée au couvent, etc… »

Enfin il lui venait des jours de doute et d’angoisse durant lesquels elle se promettait de réagir contre cette démoralisation effrayante qui la gagnait, suivis de lendemains qui lui apportaient la conviction qu’elle n’avait qu’à attendre les événements, et l’enfonçaient davantage dans sa tristesse mauvaise. Elle éprouvait alors de violents accès de rancune contre son ami. — « Qu’est-il venu faire, celui-là ? Si je ne l’avais jamais connu, qui sait ?… Et maintenant pourquoi ne se retire-t-il pas ? Il doit cependant comprendre ! »… Autour d’elle on ignorait son secret et on ne laissait pas de s’inquiéter de sa gravité excessive.

Une nuit, elle ne parvenait pas à s’endormir,