Page:Jarret - Contes d’hier, 1918.djvu/152

Cette page a été validée par deux contributeurs.
144
CONTES D’HIER

rudement balayés et devant cette fine neige qui s’affole, tourne sur elle-même, s’élance au ciel, vient battre les vitres, on croirait reconnaître le Vent, être mystérieux, ricaneur insaisissable, qui aurait pris corps, tout à coup, sous l’action du froid, et furieux, se livrerait à des spasmes de désespoir.

Une nouvelle partie commence qui promet d’être plus chaude : mon beau-frère en est déjà tout crispé. Un paquet de nerfs, cet homme-là. D’une perspicacité insupportable, tenace, beau parleur, avec une voix de tête un peu voilée, pas l’ombre de vanité. Très gentil d’ailleurs, quand il veut bien, car il a de l’esprit, et une finesse fort originale. Intelligent, trop d’imagination, volontiers tyran si on le laisse faire, résultat de ce curieux besoin de posséder l’attention, la sympathie. Le voilà tout entier. Lucien a plus d’un trait de ressemblance avec lui. Même au physique, voyez : avec ses membres frêles, son teint blanc, ses grands yeux glauques, presque gros, qui ont toujours l’air d’avoir été lavés par des larmes récentes.

L’enfant n’est pas fort, et on croirait qu’une fatalité s’est attachée à sa mince personne : à dix