Page:Jarret - Contes d’hier, 1918.djvu/105

Cette page a été validée par deux contributeurs.
97
LE VOYAGE BLANC

paierais pas aux Sœurs. Et c’est si joli l’été, on est toujours dehors à respirer le grand air et le parfum des moissons, à se laisser chauffer par le bon soleil. Tes joues changeraient de couleur, Annette !… Pour leur aider, tu pourrais aller chercher les vaches avec tes petits cousins, entretenir le jardin un peu, soigner la volaille ; l’après-midi, tu irais t’asseoir à l’ombre et tu ferais de la couture, puisque tu couds si bien. En échange, et c’est là mon grand but, ta tante Annie t’apprendrait à conduire un ménage, comme le ferait ta pauvre chère maman. Car voilà que tu prends de l’âge : je te regardais tantôt, et je me disais cela : « Elle n’est pas bien grande, c’est vrai, mais elle a des airs de femme déjà ! » Et c’est le bon Dieu qui le permet. Vois-tu, ton pauvre vieux père commence à trouver le temps long… N’avoir qu’une enfant, être obligé de la faire élever par des étrangères, si dévouées soient-elles, tandis qu’on se case soi-même chez les autres… En voilà une vie ! Que voulez-vous d’ailleurs, depuis mes vingt ans que j’ai les malheur à mes trousses. Mais je te dis, Annette, que si je peux en finir un beau jour, avec mes dettes, les choses vont chan-