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LA FOLLE.

pauvre folle était heureuse : n’était-ce pas son divin époux qui jetait en tous lieux la lumière et la chaleur ? n’était-il pas le roi du monde ? n’avait-elle pas passé toute une nuit de transport dans ses bras à lui, le maître de la création ? L’âme du monde était son âme à elle. Ainsi, dans une extase perpétuelle et divine, elle suivait chaque pas du soleil ; elle recueillait le moindre de ses rayons ; plus le soleil montait dans le ciel et plus grandissait cet enthousiasme poétique. À peine pouvait-on obtenir de la folle qu’elle prît ses repas chaque jour, tant elle était obsédée de sa passion céleste ; et encore, pour la faire manger, fallait-il lui dire que son divin époux avait doré ces fruits, avait jauni ces blés, avait mûri ces raisins ; ainsi donc elle avait droit de s’asseoir à cette immense table que le soleil charge de mets sur sa route. Quand donc elle prenait ses repas la folle faisait ses libations au soleil, elle versait en son honneur une goutte de lait le matin, à sa santé elle