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était léger, et l’acceptait parce qu’il était juste. Ajoutez que par lui-même il était riche, et qu’il se passait volontiers des grâces et des bienfaits de M. le duc et de Mme la duchesse du Maine, et Dieu sait s’ils acceptaient sans conteste cette indépendance qui ne leur coûtait rien. Ils avaient dépensé dans l’entretien de leur orgueil beaucoup plus d’argent qu’il n’appartenait même à des princes du sang royal, surtout depuis que le roi était mort, et ils furent longtemps à comprendre comment il se faisait que le trésor de la France, épuisé par les prodigalités du dernier règne, se trouvât désormais fermé à ceux que La Bruyère appelait les fils des dieux.

M. de Malézieu habitait, au milieu du parc de Sceaux, une maison très jolie qu’il avait arrangée à sa convenance, et ce fut là qu’il reçut Mlle de Launay, au milieu d’une assez grande foule qui remplissait ses antichambres. Il fit d’abord une assez médiocre attention à l’inconnue, et le nom de Mme la duchesse de Noailles ne fut pas tout d’abord une recommandation toute-puissante. Hélas ! ces Noailles, les rois de la cour de Louis XIV, avaient étrangement perdu de leur crédit depuis que Mme de Maintenon s’était retirée à Saint-Cyr ; mais quoi ! ce mauvais mouvement aussitôt passé, M. de Malézieu en rougit au fond de l’âme, et sa bonne volonté se trouvant appuyée des mérites et des grands yeux de Mlle de Launay :

— Soyez la bienvenue, lui dit-il, je vous présenterai tantôt à Mme la duchesse du Maine, et j’espère un peu qu’à ma considération elle vous sera propice. Elle aime à s’entourer d’intelligence et de jeunesse, et votre air lui plaira tout d’abord. Cependant soyez forte et courageuse ; il ne s’agit pour vous, Mademoiselle, que d’une humble fortune, et, malgré tous vos mérites, j’ai bien peur que vous ne