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au grand cru de Saint-Géran. Javotte aura l’honneur de nous le verser de sa main brune, et nous viderons nos verres à la santé de ma chère cousine. Au reste, à tout seigneur tout honneur. Ce clos de Saint-Géran, qui a soulevé dans ces contrées de si grosses tempêtes, proclamé par les uns, insulté par les autres, grâce à M. Romain que voilà, il sera désormais imprimé dans les meilleurs catalogues des meilleures maisons de Paris. Désormais, ma cousine est riche, et si elle prend un nouveau mari, elle pourra choisir.

La belle humeur du dessert se prolongea dans le salon. Au moment du cigare, et pendant que ces messieurs apportaient au beau Romain des consolations dont il avait si grand besoin, les vrais amis de Mme de Saint-Géran se regardaient, tout charmés de cette aventure, et voilà, tout d’un coup, que la dame et sa nièce, le poète et l’officier, le notaire et la baronne sont pris d’un fou rire. Ils riaient d’aise et de contentement ; ils riaient d’un rire abondant en joie, en bel esprit, en vengeance aussi, tant ils s’en voulaient d’avoir redouté un seul instant M. Romain et ses atteintes. Sur l’entrefaite, il rentra dans le salon, et voyant tout ce monde en joie, il demandait ce qu’on avait à rire ; et le rire alors de recommencer de plus belle. Il n’y eut pas ce soir-là d’autre explication entre les divers acteurs de ce petit drame, et bien des fois, depuis ce jour dont il se souvenait avec un certain orgueil, M. Fauvel répétait qu’il n’avait jamais rencontré dans toute sa vie, à pas une de ses comédies, un plus agréable et plus naturel dénouement.

Il passa tout un mois dans un pavillon du jardin de la maison de Mme de Saint-Géran. Il s’éveillait de très bonne heure, et se promenait tout au loin dans la campagne, en rêvant. Les hôtes du logis ne le voyaient g