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porter, et quand le bon Fauvel, s’approchant d’elle, et prenant dans ses mains ses deux belles mains qu’elle semblait retirer, lui dit de sa voix d’un si beau timbre :

— Allons, ma cousine, accordez un regard de bonté à votre ingrat cousin qui vous aime toujours !

Elle ouvrit lentement, comme on les ouvre en songe, ses grands yeux pleins d’étonnement, de surprise et de joie enfin. Elle aussi elle reconnut ce doux visage où l’esprit et la bonté se mêlaient dans un si calme et si parfait accord. Elle ne l’eût pas rêvé plus habile et plus charmant. A l’instant même, elle se sentit sauvée. Elle se leva, triomphante, de son siège, en arrangeant les longs plis de sa robe, et d’une voix légère :

— Ah ! mon beau cousin, lui dit-elle, vous vous êtes fait bien attendre, et cependant soyez le bienvenu.

Son sourire était gai, ses yeux riaient. Elle était une de ces créatures douces et faibles qui ne sont heureuses que dans le calme et le repos. Puis enfin elle accorda un regard au jeune compagnon de ce cousin qui venait avec tant d’à-propos, et lui fit un beau salut.

— Permettez-moi, ma chère cousine, de vous présenter un jeune Africain de mes amis, très brave homme, et sachant par cœur tout mon répertoire. Or, voici le raisonnement que j’ai fait : Je me suis dit ce matin même : il y aura tantôt douze personnes à la table de Mme de Saint-Géran ; si je viens seul, je ferai le treizième et je ne serai pas bon à jeter à ses chiens. Grâce à mon ami le lieutenant, nous serons quatorze ; au besoin, on dressera la petite table, et tout ira pour le mieux.

Chacun prêtait l’oreille aux paroles du nouveau venu. Seul, dans son coin, le grand Romain se dépitait que l’attention fût passée à ce cousin de malheur. En vain il s’eff