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— Ah ! maudit enfant, disait la vieille, que le diable t’emporte !

Ici, le méchant bailli eut encore un certain espoir. La vieille était si pauvre ! un enfant de plus dans cette cabane était une bouche de plus. Ce triste bailli s’imaginait que la corvée avait réduit ces hommes et ces femmes à n’être plus que des bêtes sauvages dans les bois. On eût dit que son compère aux pieds fourchus partageait ses idées. Déjà même il tendait la main pour s’emparer de la frêle épave, et c’en était fait, le diable était vaincu... Mais sitôt que l’ombre eût touché le berceau, la vieille, aux bras vigoureux encore, emporta le petit enfant du côté de sa mère. Elle arrivait, celle-ci, chargée de ramée :

 Messire loup, n’écoutez mie
 Mère tenchant, son fieu qui crie.

— Arrive donc ! ma fille, s’écria la mère-grand. L’enfant t’appelle, il a soif, il a faim, et je ne puis que le bercer.

La jeune mère, à l’instant même, jetant son fardeau, découvrit sa mamelle et le montra à l’enfant, qui se prit à sourire.

— Ah ! je te plains, dit le démon à son compagnon ; tu vois que j’y mettais de la bonne volonté, mais tu ne saurais soutenir que la vieille m’ait donné son petit enfant de bonne grâce. Allons, courage ! et cherchons autre chose. Nous avons encore du chemin à faire avant d’arriver à tes besognes. Mais aussi je suis bien bon d’écouter ces paroles en l’air ; un vieux conte l’a dit avant moi.

Et ils poursuivirent leur chemin.

Plus ils marchaient, plus le ciel devenait sombre, et pourtant midi n’avait pas encore sonné. Ils allaient entre